Der Zug war pünktlich suivi de : Über die Brücke, Kumpel mit der langen Haar, Steh auf, steh doch auf, Damas in Odessa, Trunk in Petöcki, So ein Rummel, Abschied, Die Essenholer, Wiedersehen in der Allee, In der Finsternis, Geschäft ist geschäft, An der Angel, Kerzen für Maria, Die schwarzen Schafe"

Traduction : Colette Audry pour "Le Train Etait à l'Heure" et Mathilde Camhi pour les quatorze nouvelles

Extraits Personnages

Ce recueil paru chez Gallimard dans la collection "Folio" recense les premiers textes de Böll, à commencer par le tout premier, "Der Zug war pünklitch / Le Train Etait A L'Heure." Le thème : en 1943, un jeune soldat allemand regagne son poste, à la frontière russo-polonaise. A peine est-il monté dans le train que s'installe en lui la certitude qu'il n'atteindra jamais sa destination finale. Comme dans un jeu morbide, il pense à des noms de villes, à des tronçons de parcours. Et tombe finalement sur la certitude qu'il mourra quelque part entre Lemberg et Czernowitz. Au fur et à mesure que le train poursuit sa route et que le principal protagoniste noue amitié avec deux compagnons de route, le lecteur se rend compte que, sauf miracle, le jeune homme est en effet en route vers son destination ultime.

Deux choses m'ont frappée dans cette histoire. La première est de peu d'importance. Simplement, André, le héros, passe beaucoup de temps à prier. Il prie d'ailleurs pour tout le monde, aussi bien pour les Juifs que pour les S. S. croisés à un arrêt du train. C'est très oecuménique et hautement chrétien et je me suis même demandé, à un certain moment, si je n'étais pas en présence d'un futur saint. Mais enfin, probablement prie-t-on avec plus d'ardeur quand on sent rôder la Faucheuse - impression qui taraude André, c'est indéniable.

La seconde remarque est plus intéressante. Avec son développement lent, ses prières aussi étonnantes que radieuses, le viol de l'un des deux compagnons d'André par un adjudant abusif, la drame personnel du sous-officier Willi qui, retour de permission, est tombé sur un Russe dans le lit de sa femme, et enfin avec l'intégralité de l'épisode se déroulant dans une maison close de Lemberg, "Le Train Etait A L'Heure" ne saurait avoir été écrit que par un Allemand.

Non en raison de l'époque à laquelle se déroule l'action, encore moins en raison de la couleur des uniformes des protagonistes, mais parce que, sous ses dehors de conte moderne s'enracinant profondément dans l'un des grands conflits mondiaux du XXème siècle, cette longue nouvelle recèle en elle, par je ne sais quel miracle, toutes les composantes du conte romantique allemand. Avec des phrases plus longues et plus ampoulées, Von Kleist aurait pu l'écrire. C'est à Goethe mais aussi aux grands romantiques allemands comme Arnim et les grands poètes de l'époque que l'on songe irrésistiblement en lisant cette histoire. Böll aurait-il un peu plus forcé sur le macabre et l'onirisme qu'on aurait pu citer aussi Hoffmann. Quoique, je le répète, à mes yeux, ce soit bien Kleistque de manière parfaitement inexplicable, rappelle "Le Train Etait A L'Heure."

C'est en lisant des textes comme celui-ci qu'on se rend compte que la sentimentalité allemande n'est pas une expression vaine, dépourvue de tout sens. Au-delà les siècles, c'est toute une nation qui vibre dans "Le Train Etait A L'Heure", une nation certes trahie par une idéologie et vaincue par la guerre qu'elle avait elle-même déclenchée mais une nation libérée, qui retrouve d'instinct les valeurs inaltérables de son passé littéraire et artistique.

Face à ce récit curieusement prenant en dépit de sa lenteur, les nouvelles qui suivent baignent comme d'habitude dans une inégalité certaine. Toutes - sauf la dernière - se déroulent soit durant la guerre, soit immédiatement après celle-ci. Böll nous décrit le quotidien de protagonistes qui, le plus souvent, vont à la dérive car ils ont perdu tous leurs points de repère. Avec un minimum de mots, il brosse des scènes réalistes comme les immondes tanières dans lesquelles les soldats attendent la relève sous les obus qui tombent ("Dans le Noir"), le transport d'une moitié de cadavre ("Corvée de Soupe"), la Mort guettant tranquillement le soldat qu'elle doit emporter tout au fond d'une allée qui n'existe que dans le rêve de ce soldat ("Rencontre dans une allée").

L'ironie reprend parfois ses droits : il faut bien survivre. Il y a l'humour désespéré de "Jadis à Odessa" et de "Boire à Petöcki", celui, presque printanier, des "Adieux" et celui, complètement noir, des "Brebis galeuses". En prime, on a le droit à un soupçon d'humour tendre avec la nouvelle "Des Cierges pour la Vierge."

Tel quel, ce recueil donne au lecteur une assez bonne approche de l'art de Heinrich Böll. Si l'on veut voir à quoi ressemble son univers, c'est un premier pas somme toute très instructif qui donne envie d'aller plus avant.