Half of a Yellow Sun Traduction : Mona de Pracontal - Prix Baudelaire 2009 pour cette traduction

Nous remercions les éditions Gallimard-Folio qui, en partenariat avec BlogOBook, nous ont donné l'occasion, à titre gracieux, de lire ce roman et d'en faire la critique.

Envoutant. Il n'y a pas d'autre mot pour définir le chant douloureux et nostalgique que représente le roman de Chimamanda Ngozi Adichie. Cette mélopée douce, poignante, qui grimpe çà et là à quelques aigus volontairement discordants pour marquer les horreurs d'une guerre perdue d'avance, puis retombe progressivement jusqu'à la torpeur triste de la défaite, enveloppe le lecteur dès les premières pages et résonne encore au fond de son coeur, longtemps après qu'il ait refermé le livre.

Les plus âgés parmi nous se rappelleront sans problème la guerre du Biafra, qui dura officiellement de juillet 1967 à janvier 1975. En dépit de la "concurrence" que lui fit à l'époque l'omniprésente guerre du Viêtnam, cette guerre civile entre Nigérians fut et demeure l'un des conflits les plus médiatisés au monde et dans l'Histoire. Le photojournalisme prenait alors son essor, en même temps que se créait "Médecins sans frontières", organisation qui allait contribuer énormément à faire connaître au reste du monde les conditions de vie atroces qu'imposait aux Biafrais le blocus terrestre et maritime mis en place par le Nigéria avec le soutien, entre autres, des Britanniques.

Etat pluri-ethnique et pluri-religieux, le Nigéria se compose essentiellement de trois grandes ethnies : les Haoussas du Nord, musulmans, les Yoroubas de l'Ouest, chrétiens et musulmans, et enfin les Igbos de l'Est, chrétiens et animistes. Pour conserver la maîtrise du pays, les Britanniques avaient favorisé les Haoussas et les Igbos. Mais ces derniers, qui vivent à l'Est du pays, possédaient en outre l'essentiel des réserves de pétroles et des mines de charbon. On les retrouvait dans l'administration et dans les affaires, domaine où ils avaient tout loisir de développer leur remarquable sens du commerce.

Tout resta dans l'ordre tant que les Haoussas et les Igbos restèrent alliés. Mais après l'Indépendance, les Yorubas, qui s'estimaient plus ou moins mis à l'écart, fondèrent un nouveau parti et s'allièrent avec les plus conservateurs des Haoussas. Cette alliance, qui excluait les Igbos, fut ressentie comme le début d'une mainmise ethnique et religieuse sur le pays tout entier, d'autant que les nouveaux alliés parlaient de retirer la gestion des mines et des puits de pétrole aux Igbos.

En 1965, les élections mettaient en présence Haoussas et Yorubas conservateurs d'une part, Igbos et Yorubas progressistes de l'autre. Avec le soutien plus que probable des Britanniques, le vote fut truqué et les premiers remportèrent la victoire, avec une écrasante majorité. La réaction ne se fit pas attendre : un premier coup d'Etat igbo fut mené le 15 janvier 1966 et, dans les semaines qui suivirent, le chef des putchistes, Johnson Aguiyi Ironsi remettait en cause le principe de la Fédération.

Ce fut à ce moment que, dans le Nord, débutèrent les premiers massacres d'Igbos ...

Une fois qu'elle est lancée, il devient difficile de désamorcer une machine infernale. Après l'assassinat d'Ironsi, le 29 juillet, la junte militaire, à majorité musulmane, confie le pouvoir à un chrétien, le général Yakubu Gowon. Malgré les tentatives de celui-ci pour ramener le calme, les pogroms anti-igbos continuent de plus belle. Et puis, Gowon, que les Igbos accusent déjà de se montrer plutôt tiède en ce qui concerne la répression des massacres, fait passer la gestion des puits de pétrole et des mines de charbon sous son contrôle.

Odumegwu Ojukwu, gouverneur militaire de la région de l'Est, refuse alors tout net de reconnaître le nouveau gouvernement fédéral. En janvier 1967, le Ghana tente une médiation mais la volonté du général Gowon de conserver le pétrole et le charbon sous l'emprise fédérale va être la goutte d'eau qui fait déborder le vase. L'Est du Nigéria fait sécession le 26 mai et, le 30, la République du Biafra est proclamée. Elle aura pour symbole, au coeur de son éphémère drapeau, un demi-soleil d'or qui donne son nom au roman de Chimamanda Ngozi Adichie.