15 avril 1843, New-York (USA) : naissance de Henry James, nouvelliste & romancier.

Par son père, Henry James Sr., le futur romancier était d'origine irlandaise. Il aura trois frères dont le plus célèbre est sans conteste le philosophe William James - avec lequel Henry entretiendra toujours une relation ambiguë, mi-amour, mi-haine - et une soeur, Alice, qui, malgré des dons réels qui percent dans son "Journal", ne parvint pas à se libérer du joug familial et à se faire, elle aussi, un nom.

Enfant, Henry Jr. lit les classiques de la littérature anglaise et américaine mais aussi française, allemande et russe. Protégée par sa fortune, sa famille voyage très souvent entre l'Europe et les Etats-Unis, lui faisant ainsi découvrir non seulement le Vieux Continent mais aussi les différences qui s'affirment de jour en jour entre une civilisation raffinée, cynique, un peu en déliquescence également, et celle, plus brutale, plus naïve, plus avide, qui prend son essor outre-Atlantique. Ce perpétuel contraste est à la base même de l'oeuvre de Henry James.

A dix-neuf ans, il s'inscrit à Harvard pour y faire son droit mais il se veut trop littéraire pour persévérer bien longtemps dans ce projet. Il envoie sa première nouvelle connue, "A Tragedy of Errors" à des revues, en même-temps que des comptes-rendus critiques. Enfin, à vingt-deux ans, son premier texte officiellement signé paraît dans l'"Atlantic Monthly."

En 1871, James donne son tout premier roman, "Le Regard aux aguets", qu'il reniera par la suite sans doute en raison de l'immaturité qui le domine. Il y prend pour héros un homme qui recueille et élève une fillette de douze ans afin d'en faire plus tard son épouse. Mais c'est à Rome, alors qu'il accompagne sa tante et sa soeur Alice en Europe, qu'il commence à rédiger "Roderick Hudson", où un sculpteur génial, contrarié en amour, finit par perdre toute pulsion créatrice.

On notera que la première incursion de James dans le fantastique, qui culminera avec le diabolique "Tour d'Ecrou", une vingtaine d'années plus tard, date de cette époque européenne. Il s'agit du "Dernier des Valerii", fortement inspiré de Mérimée.

En juillet 1876, le romancier s'installe à Londres. Il y connaîtra une période de grande créativité : de nombreuses nouvelles, bien sûr mais aussi "L'Américain" où l'on assiste aux aventures d'un Américain, Christopher Newman, aux prises pour la première fois avec un voyage en Europe, "Les Européens" qui traite en quelque sorte du contraire (deux Européens confrontés à des parents américains), "Daisy Miller" qui sera célébré unanimement des deux côtés de l'Atlantique et fondera définitivement sa réputation, le bouleversant "Washington Square" où une riche héritière est confrontée aux mensonges d'un soupirant intéressé et enfin "Portrait de Femme" en qui beaucoup voient l'une des oeuvres-maîtresses de l'écrivain et le point final de ce que l'on peut nommer sa première manière.

Après la mort de ses parents en 1882, il accueille chez lui, à Londres, sa soeur, Alice. La malheureuse y mourra dix ans plus tard. Lui, par contre, continuera à écrire, introduisant pour la première fois, avec "Les Bostoniennes", la politique et les questions sociales dans son univers.

Mais les livres de James, s'ils se vendent honorablement, ne lui assurent pas de véritables revenus. Aussi décide-t-il de se tourner vers le théâtre. Il commence, bien entendu, par adapter ses romans pour la scène. C'est "L'Américain" qui essuie les plâtres en province avant de recevoir un accueil plus froid à Londres. Il en sera d'ailleurs ainsi pour toutes les pièces de Henry James : ce littéraire introverti n'avait probablement pas la fibre scénique.

A la fin de sa vie, il revient donc à ce qu'il sait faire le mieux : le roman. Son dernier grand roman, "La Coupe d'Or", restera inachevé en 1904. C'est que son contrat avec l'éditeur Scribner, qui prévoit l'édition définitive de ses écrits, l'occupe énormément. Il va même jusqu'à corriger ses oeuvres les plus anciennes. Mais le public ne suivra guère.

James sera encore plus déçu par l'attitude des USA à l'aube de la Grande guerre. C'est, dit-on, cette déception qui l'incita à demander la nationalité britannique en 1915. Après deux attaques cardiaques cette année-là, il meurt le 28 février 1916, à Londres.

Il laisse derrière lui une oeuvre touffue qui lui a valu d'être surnommé "le Marcel Proust américain." Sa langue est précieuse et raffinée et il fait montre d'un talent hors du commun pour l'analyse psychologique. Plus c'est complexe, plus il y a de non-dit, plus le narrateur ment ou dissimule, plus les cartes sont brouillées, plus il est à l'aise.

Un roman aussi simple et aussi accessible au profane que l'est "Le Tour d'Ecrou" le prouve amplement : dans ce texte, il est pratiquement impossible de savoir qui, de la gouvernante ou des enfants, ment, comme il est impossible de savoir si les visions de Miss Jessel et de Peter Quint sont réelles ou purement imaginaires. Ecrivain retors, James laisse le choix à son lecteur mais si la chose est si visible, c'est parce que nous nous trouvons, en principe, dans le genre fantastique. Dans les romans "psychologiques" de James, le principe est le même mais on le remarque beaucoup moins, au point qu'on a souvent besoin de relire l'ouvrage pour mieux saisir les intentions de son auteur.

Bien que personne ne lui conteste la place très importante qu'il tient dans la littérature américaine et dans la littérature du XIXème siècle, Henry James demeure un auteur que l'on dit "difficile." Il n'est certes pas le romancier que l'on emporte avec soi à la plage, dans l'intention avérée de ne pas se casser la tête. Non, James s'apprivoise, se déguste, se relit. Ou alors, on se résout à l'ignorer en se disant que jamais on ne le comprendra.

Quoi qu'il en soit, il méritait de figurer sur notre Calendrier. ;o)