Supernatural Horror in Literature Traduction : Bernard Da Costa

En dépit d'une traduction qui accumule coquilles et maladresses - on dirait que le traducteur ne s'est pas relu - cet essai du Solitaire de Providence, dédié à cette raison de vivre que fut pour lui la littérature fantastique, constitue un incontournable pour tous ceux qui, comme son auteur, s'intéressent de près ou de loin au genre du fantastique et de l'épouvante. C'est aussi une mine de renseignements des plus précieuses sur les goûts personnels de Lovecraft et sur les textes qui contribuèrent à forger son imaginaire.

Lovecraft nous ayant quittés en 1937, cet ouvrage évoque surtout les "pères fondateurs" du genre fantastique. On notera au passage que l'auteur américain, en y faisant la part belle aux Européens, nous prouve une fois de plus la grande érudition qui fut la sienne.

Bien loin de mépriser le roman gothique|fr], Lovecraft rend hommage à Horace Walpole et à son "Château d'Otrante" et, bien sûr, à Ann Radcliffe. Pour lui, "Les Hauts de Hurlevent", unique roman d'Emily Brontë, représente également un moment très fort, quoique atypique, du gothique, et, comme tout lecteur de ce livre exceptionnel, il est frappé par la pensée ouverte, moderne et iconoclaste qui caractérise l'univers fantasmatique de la fille du pasteur de Haworth.

Envers Poe, il fait montre du respect et de la tendresse que tout adorateur du Fantastique se doit de porter au grand et malheureux auteur de "La Chute de la Maison Usher" mais c'est aux auteurs anglo-saxons et anglo-celtes qu'il réserve l'essentiel de son admiration.

__Deux auteurs semblent avoir marqué tout particulièrement le futur créateur de Chthulu : le Gallois Arthur Machen et le très britannique Montagu R. James.

Machen est l'auteur de l'un des plus puissants textes d'épouvante qui soit : "Le Grand Dieu Pan." Lovecraft nous en décrit l'intrigue en long et en large et il n'y a pas un seul paragraphe de cette analyse qui ne révèle la fascination qu'il éprouve devant l'imaginaire mais aussi la maîtrise technique de Machen. Idem pour Montagu R. James et son "Comte Magnus", sur lesquels se clôt cet essai trop court mais qui révèle au lecteur un détail assez curieux : Lovecraft, qui a façonné tant d'entités monstrueuses et protéiformes, qui a créé toute une cosmogonie à leur échelle, qui les a dépeintes avec une abondance d'horreurs en tous genres, Lovecraft semble avoir préféré, dans ses lectures personnelles, des auteurs au génie moins démonstratif et presque tranquille.

Pas plus qu'Arthur Machen en effet, Montagu R. James ne forçait le trait. Dans leurs nouvelles et romans, tout est simple, net, sans exagération et quasi naturel. Machen certes fait lui aussi référence à des divinités oubliées mais celles-ci nous demeurent familières en ce sens qu'elles sont presque toutes liées à nos vieux mythes gréco-romains et, dans les pires des cas, aux mythes sumériens. James, lui, se borne à imaginer des choses "très anciennes" mais sans plus de précision.

Et pourtant, la chose est criante pour tous ceux qui ont lu aussi bien Machen et M. R. James d'une part que Lovecraft d'autre part, les créatures imaginées par les deux premiers sont les ancêtres directs de celles que le troisième appellera plus tard à la vie.

Donc, si vous voulez en savoir un peu plus sur l'oeuvre des parrains de HPL, procurez-vous "Epouvante & Surnaturel en Littérature." Et conservez-le dans votre bibliothèque en le complétant par l'"Anatomie de l'Horreur" de Stephen King. Ce sont là deux Bibles que je vous recommande. ;o)