Death of a Writer Traduction : Jean Guiloineau

A ce jour, c'est pour moi le meilleur roman de Michael Collins. Il faut dire que je n'en ai lu que trois : "Les Ames Perdues" (correct, sans plus), "Les Profanateurs" (j'ai détesté) et donc cette "Vie Secrète ..."

L'action se situe dans une petite université américaine (Michael Collins est irlandais mais vit aux Etats-Unis), Bannockburn, où végète, depuis des années, E. Robert Pendleton, professeur de littérature et de composition littéraire qui a rêvé, en son temps, d'être un auteur reconnu. Mais d'autres, plus chanceux ou plus opportunistes, l'ont dépassé sur cette route glorieuse mais semée d'embûches, notamment Allen Horowitz, qui fut jadis son condisciple et que l'université s'apprête à recevoir aujourd'hui même pour un symposium.

Chargé de recevoir l'homme qui caracole sur la liste des best-sellers, Pendleton se rend à l'aéroport avec le photographe du campus, Henry James Wright, un ancien élève avec lequel il ne s'est jamais entendu, et Adi Wiltshire, une "éternelle étudiante" qui doit cependant se presser pour achever sa thèse de doctorat si elle ne veut pas voir disparaître les aides qu'elle perçoit de l'université.

C'est sur la route du retour vers Bannockburn, au volant de son automobile, que Pendleton prend la décision de mettre fin à ses jours ...

Mais l'intervention d'Adi, à laquelle il a d'ailleurs légué son fonds personnel de documents et sa bibliothèque, le sauve in extremis. Il s'en tire - si l'on peut dire - avec de graves séquelles qui nécessitent une présence permanente à son chevet. Adi se dévoue et c'est ainsi qu'elle découvre, dans la cave de Pendleton, une caisse de livres intacts, les multiples exemplaires d'un roman de Pendleton inconnu du public parce qu'édité en tirage confidentiel, et intitulé : "Le Cri."

"Le Cri" est un roman formidable, probablement le meilleur de son auteur, celui en tous cas qui prouve que, malgré tous ses échecs, malgré l'incompréhension littéraire qui l'a suivi toute sa vie, Pendleton était un authentique écrivain. Son intrigue met en scène un professeur d'université hanté par l'idée du Surhomme nietzschéen et qui s'autorise le viol et le meurtre gratuits d'une adolescente de treize ans.

Mais là où rien ne va plus pour Adi, c'est quand elle réalise les liens entre la fiction imaginée par Pendleton et l'assassinat, dans des circonstances identiques, de la jeune Amber Jewel, disparue dix ans plus tôt. Le pire, c'est que le roman a été édité - la facture de l'imprimeur le prouve - avant que le cadavre n'ait été découvert ...

Ca se lit à la fois comme un polar et comme une réflexion troublante sur l'écriture, la création, les livres et la connaissance. C'est aussi une critique acerbe sur la vie universitaire américaine et sur la médiocrité à laquelle elle peut condamner certains de ses meilleurs éléments sous prétexte qu'ils refusent les étiquettes. Le style est simple et assuré, et les personnages crédibles.

Si vous n'avez jamais lu Michael Collins, c'est par "La Vie Secrète de E. Robert Pendleton" que je vous conseille de l'approcher pour la première fois. ;o)