The last report on the miracles at Little No Horse Traduction : Isabelle Reinharez

Ce roman me laisse une impression mitigée. Certes, il a du souffle et le style d'Erdrich dégage une poésie réelle, notamment dans ses descriptions de la Nature. Mais l'ensemble se déroule de façon parfois chaotique, l'auteur consacrant parfois trop de temps à tel moment de l'action et pas assez à d'autres. Ceci dit, il s'agit peut-être d'un procédé, plus en accord avec la culture amérindienne qu'avec les habitudes, assez cartésiennes, du roman occidental.

Tout commence en 1996. Pour la dernière fois peut-être, le père Damien Modeste, curé catholique de la réserve ojibwée de Little No Horse, dans le Dakota du Nord, écrit au Pape afin que celui-ci fournisse des réponses à ses innombrables questions et, mieux encore, lui envoie quelqu'un pour en débattre avec lui. Puis, en une sorte de flash-back, le lecteur comprend que le prêtre n'est pas précisément ce qu'il prétend être depuis plus d'un siècle. C'est un peu long - on se demande parfois où l'auteur veut en venir - et puis, l'histoire se déploie.

L'arrivée de Modeste à Little No Horse, les premières connaissances qu'il y fait, le conflit que le désir d'épouse de l'inénarrable Nanapush va entraîner, la folie religieuse croissante de Pauline Puyat ... le lecteur est vite emporté avec la volonté, renouvelée à chaque page tournée, d'en savoir un peu plus sur chacun.

S'introduit en parallèle dans le récit le père Jude, l'envoyé tant attendu du Vatican. Mais, le père Modeste l'apprend très vite, Jude est là afin de se renseigner sur la vie de Pauline Puyat qui, entrée dans les ordres sous le nom de Soeur Léopolda, est en passe d'être béatifiée par l'Eglise.

Tels sont, en gros, les fils conducteurs de ce roman tout-à-fait particulier et qui, mieux que, par exemple, les oeuvres d'un Sherman Alexie, habitées par trop de haines, parvient à établir un pont entre le lecteur occidental et la culture des Indiens américains. Les ravages exercés par le colonialisme religieux y sont pointés du doigt avec un talent qui marie admirablement la férocité, l'humour et une lucidité implacable.

Bref, un livre qu'il ne faut pas lire mais par lequel il faut se laisser immerger, en abandonnant nos repères habituels. ;o)