Jaquette non répertoriée

L'action des romans pour enfants de Nanine Gruner, qui entra dans la Résistance, puis, arrêtée en 1944, mourut à Ravensbrück en mars 1945, se situe avant guerre et comme je suis une fanatique de cet auteur (que je ne croyais pas rééditée), je me posais quelques questions quant au succès que remporteraient ses histoires sur les jeunes générations actuelles.

En tous cas, ma fille cadette a tant apprécié "L'Enigme du Trèfle" que cette paresseuse n'a pas hésité à faire un effort de lecture pour connaître au plus tôt l'identité du fameux Trèfle !

Du coup, je compte me procurer "Isabelle et la Porte Jaune", un roman de Gruner qui m'avait émerveillée quand j'avais neuf ans et dont j'ignorais que les éditions Thierry Magnier l'avait ré-édité ici.

Gruner possédait ce don inexplicable qui est celui du conteur et du vrai romancier : celui de captiver suffisamment son lecteur pour que celui-ci n'ait de cesse d'atteindre la fin sans passer pour autant une seule des merveilles contenues dans le corps du récit. C'est un don rare et qui mérite d'être salué par tout lecteur qui se respecte, que l'auteur évolue au pinacle comme Alexandre Dumas ou, plus modeste, se dissimule dans les bibliothèques d'avant-guerre, comme Nanine Gruner.

"L'Enigme du Trèfle" s'ouvre sur l'arrivée au château de Chênevieux de la petite Perle, une fillette timide, orpheline de mère, élevée jusque là par son père au Maroc. Arrivée de nuit, guidée par le fils du chef de gare, le jeune Eloi à la tignasse filasse, dont l'un des plus grands plaisirs et de se servir de sa brouette pour enfoncer les grilles du parc.

Au Château, il semble à Perle qu'elle n'est guère attendue : Mme Griche, la femme de charge, se tord les mains en la voyant et sa tante Antoinette - qui n'est pas malade mais préfère vivre au lit parce qu'elle trouve cela plus commode - est déjà couchée. En fait, il y a eu un malentendu : on attendait Perle, mais pas ce jour-là.

Très vite, Perle s'aperçoit que sa présence dérange les habitude d'une maisonnée qui - à l'exception notable de Ferdinand, le jardinier et de Où-es-tu ? le chat - paraît considérer les enfants, et plus encore les petites filles, comme des êtres d'une autre espèce. Elle tente de se faire sa petite vie mais il est vrai que ce n'est pas simple quand on n'a que onze ans, surtout à une époque où les mots "pré-adolescents" et "adolescents" sont complètement inconnus.

Mais un jour, Perle trouve dans sa chambre un curieux et sympathique petit billet, écrit à l'encre verte et portant un trèfle à quatre feuilles en guise de signature. Le scripteur anonyme lui conseille de se faire une petite flambée pour égayer sa chambre si froide et, pendant qu'elle y est, d'aller regarder près du vieux puits si, par hasard, il n'y a pas là un petit pot de miel ...

Pour Perle, c'est une renaissance : finis, l'ennui et le découragement ! elle a enfin un ami, même si elle ignore son identité et si elle se pose mille questions sur la façon qu'il utilise pour lui faire parvenir les billets.

Entre alors en scène la filleule de tante Antoinette, Alice, aussi brune que Perle est blonde, mais du même âge et qui vient à Chênevieux sur ordre du médecin, pour récupérer d'une mauvaise grippe. On pourrait croire que les deux fillettes vont se voler dans les plumes mais non, elles sympathisent et elles n'auront plus de cesse d'avoir résolu le mystère du Trèfle.

C'est drôle, pétillant, sans angélisme envahissant, plein de tendresse et de malice et ça donne envie de lire - et de relire. Seul hic: impossible de se le procurer pour l'instant autrement que chez les bouquinistes où vous le trouverez dans la collection Rouge et Or de chez Hachette, avec les illustrations d'Albert Chazelle. Alors, si vous avez la chance de le dénicher, n'hésitez pas : surtout si vous avez, alentour, une petite fille qui aime bien les histoires passionnantes mais considère la lecture comme une espèce de corvée. ;o)