"... ... L'autre chose qui y arriva" (poursuit Saint-Simon,) "fut par un courrier du Roi par lequel il arriva un ordre de traiter la Princesse en tout comme fille de France, et comme ayant déjà épousé Mgr le duc de Bourgogne. L'embarras de son rang (1) avec tout le monde engagea Monsieur (2) à en prier le Roi, les princes et les princesses du sang à le désirer, et le Roi à le faire. Ce courrier arriva sur le point de l'arrivée de la Princesse, de manière qu'elle ne baisa que la duchesse du Lude (3) et le comte de Brionne, et qu'il n'y eut que la duchesse du Lude assise devant elle. Par toutes les villes où elle passa, elle fut reçue comme duchesse de Bourgogne, et aux jours de séjour aux grandes villes, elle dîna en public servie par la duchesse du Lude. Excepté les repas de séjour (4), ses dames mangèrent toujours avec elle. Elle marcha à petites journées. ... ..."

(1) : la reine Marie-Thérèse étant décédée et le mariage de Louis XIV avec Mme de Maintenon n'étant pas officiel d'une part, le Grand Dauphin étant lui-même veuf et nanti de Melle Choin d'autre part, il n'y avait plus de véritable "Première dame" légitime à la cour du Roi-Soleil. Certes, Madame, la Princesse Palatine, pouvait être tenue pour telle mais elle n'était que la femme du frère du Roi ... D'où l'importance de confier au plus tôt ce titre à l'épouse du duc de Bourgogne qui, un jour, deviendrait en effet reine auprès de son mari. L'implacable mécanique royale façonnée par Louis XIV n'admettait aucun temps mort.

(2) : Philippe, duc d'Orléans et frère de Louis XIV.

(3) : qui, nous en avons déjà parlé ici, ne devait sa place de dame d'honneur de la nouvelle duchesse de Bourgogne qu'au pot-de-vin qu'elle avait fait verser à Nanon Balbien, la femme de confiance de Mme de Maintenon.

(4) : les repas de séjour étaient public et donc soumis à la rigidité de l'étiquette. Quand elle était seule en son privé, la Princesse dînait avec ses femmes.