Eh ! bien, parce que, bien que né au XIXème siècle et ayant connu aussi bien les guerres du Second Empire que les débuts de la IIIème République, c'est en homme du XXème, et même du XXIème siècle que raisonne Jean-Marie Déguignet.

Avec lui, on retourne aux sources de la misère paysanne telle qu'elle existait encore après la récupération de la Révolution par la bourgeoisie française. Et l'on sent retomber sur nos épaules la chape de plomb que représentaient à l'époque ces deux ennemis jurés de "L'Assiette au Beurre" : le sabre et le goupillon.

Ah ! Le goupillon ! ... Pour les athées et les anti-cléricaux forcenés, lire Déguignet est une jouissance absolue car cet homme qui, jamais, ne connut l'école, a l'élégance suprême d'éviter au maximum de tomber dans la vulgarité lorsqu'il décrit ce clergé et ces bigots qui pesèrent si lourdement sur son destin. Certes, il piétine, il éructe, il rage, il s'époumone - surtout sur la fin. Mais on le lui pardonne bien volontiers tant on le sent sincère et viscéralement rebelle.

En ce qui concerne le sabre, c'est un peu différent. Déguignet, en effet, fut militaire et devint même sous-officier. Ce qu'il blâme, ce sont surtout les horreurs de la guerre moderne et la sottise et l'infamie des officiers qui conduiront la France au désastre de Sedan puis, quelques années après, à l'ignoble Affaire Dreyfus. Mais l'armée, Déguignet est clair là-dessus, il en faut bien une et il semble pencher vers l'armée de métier.