Cet énorme "pavé" de plus de 900 pages (dans lesquelles il faut inclure l'index, le texte de Déguignet, sans les annexes, se regroupant sur 869 pages) abonde en paragraphes serrés, touffus, semblables à des blocs ou à des pierres de taille qui ont donc servi à dresser un monument posthume à un personnage hors du commun et hors de son temps.

__Ajoutez à cela les notes, en bas de page, les "bretonnismes" dont le texte est truffé, la rage anti-cléricale du bonhomme, un esprit d'analyse carré, puissant, qui tient du prodige, un amour de la discussion pour la discussion qui tient, lui aussi, de l'exceptionnel, et vous vous ferez une bonne idée de cette "Histoire de Ma Vie."

L'avantage - et l'inconvénient - de la version intégrale, c'est que rien n'y est épargné au lecteur, pas même les répétitions et les redites. Car il est évident que Déguignet, sur la fin, vivant seul et n'ayant personne ni pour le relire, ni même pour le lire, refusant lui-même de se relire, aigri sans doute (et on le comprend) par ses malheurs, tombant dans une paranoïa que les événements de son existence avaient eu beau jeu de réveiller et d'alimenter, Déguignet n'a pas évité de patiner dans les injures et les malédictions.

D'où vient alors que la puissance du récit, le charme du conteur et l'authenticité de son texte parviennent, encore et toujours, à enchaîner le lecteur ? ;o)