Jérôme Beaufils est le premier personnage du petit monde de Pierre-Alain Gasse avec qui j'ai fait connaissance, il y a bien deux ans, dans le premier recueil de nouvelles que j'ai lu de cet auteur : "Noir à l'Ouest." (Un bouquin remarquable : vous devriez le lire. ;o))

Et il faut croire que c'est là un héros particulièrement cher au coeur de PAG puisqu'il lui a consacré deux autres nouvelles : "La Vocation de Jérôme Beaufils", que vous trouverez dans "Amours de Papier" et enfin "Le Journal d'Alexandra ou De L'Autre Côté du Malheur", qui ouvre "Soliloques."

Pour mieux tenter de comprendre ce personnage qui parle peu mais dont la vie si brève finira par se voir étalée à la une d'un grand quotidien régional, après la tentative de meurtre qu'il aura perpétrée contre son supérieur hiérarchique à la Bibliothèque municipale de la petite ville de X***, mieux vaut sans doute commencer par lire ses premiers pas dans la vie, c'est-à-dire : "La Vocation ..." Cette nouvelle s'achève alors que le jeune Jérôme, né dans les années cinquante dans un foyer de petits commerçants bien-pensants et qui a été enfant de choeur pour "Monsieur l'Archiprêtre", entre dans une Institution religieuse où les cours sont dispensés gratuitement pourvu que l'enfant intègre par la suite le Séminaire.

Après "La Vocation ...", passez à "Les Amants du Square Thomas Beckett" (dans "Noir à l'Ouest") où vous retrouverez un Jérôme Baufils adulte, marié à Alexandra, laborantine en pharmacie, sans enfant et assistant-bibliothécaire auprès de Mathurin Digué. Un jour, vient s'inscrire à la Bibliothèque la séduisante épouse d'un avocat local : Maria Lesueur. Maria ... Rien qu'un prénom et pourtant tout un monde de souvenirs qui remonte dans l'esprit romantique de Jérôme ... Comme le sait le lecteur attentif, tel était le prénom du premier amour de Jérôme ...

Dans "Soliloques", Pierre-Alain Gasse nous confie les joies, les doutes, les peines d'Alexandra, l'épouse de Jérôme, en tous cas jusqu'au jour de son mariage, dans les années soixante-dix. C'est la seule nouvelle où l'auteur utilise le "Je" - il le fait d'ailleurs dans toutes les nouvelles de "Soliloques", recueil bâti sur ce pari de la première personne du singulier.

En rassemblant et faisant se recouper tout ce que nous avons pu apprendre ainsi sur Jérôme Beaufils, on parvient à comprendre un peu mieux son tragique parcours. On comprend par exemple que l'intensité des frustrations sexuelles qui se sont accumulées en lui, du fait de son éducation d'abord, de l'empreinte religieuse fortement ancrée en lui, des interdits de l'époque et d'un mariage avec une femme qui l'aimait, certes mais un peu nunuche, se trouve à la base de sa mort. On croit discerner aussi que sa nature romantique n'était en adéquation ni avec le milieu dans lequel il était né, ni avec celui dans lequel il vivait. On décèle enfin, en ce personnage toujours un peu replié sur lui-même, fût-ce après lecture de ces trois nouvelles, une recherche de l'Absolu qui ne pouvait se concrétiser que par deux voies : la spirituelle ou la charnelle. La troisième, la voie royale de la Créativité, Jérôme Beaufils ne semble pas avoir jamais pu en bénéficier. Il aime lire certes mais écrit-il ? cherche-t-il à concrétiser une oeuvre quelconque ? non et c'est dommage.

... Eh ! oui ! On peut en lire, des choses, chez les auteurs d'Alexandrie, qu'ils aient été ou pas sélectionnés pour le Prix 2008 ! (Pierre-Alain Gasse a tout de même été sélectionné deux fois par les internautes : l'an dernier et cette année-ci.) Il suffit de s'arrêter un peu et de choisir ses lectures.

Comme dans n'importe laquelle des bibliothèques ... ;o)