En 840 de notre ère, mourait Louis le Pieux, héritier de Charlemagne. Il laissait derrière lui trois fils, Lothaire, Louis et Charles qui n'allaient pas tarder à s'entredéchirer pour obtenir le maximum de l'empire édifié par leur grand-père.

En 842, Louis et Charles s'unissent d'ailleurs contre leur aîné et prêtent mutuellement ce qui est resté dans l'Histoire sous le nom du ou des "Serment(s) de Strasbourg" :

Pro deo amur et pro christian poblo et nostro commun saluament, d'ist di en auant, in quant Deus sauir et podir me dunat, si saluarai eo cist meon fradre Karlo, et in aiudha et in cadhuna cosa, si cum om per dreit son fradra saluar dist, in o quid il mi altresi fazet, et ab Ludher nul plaid nunquam prindrai, qui meon vol cist meon fradre Karle in damno sit. (Sources : "L'orthographe" - Nina Catach) :

Nina Catach déclare avoir "modernisé la séparation des mots, les abréviations, la ponctuation, l'apostrophe, mais non les accents" et avoir "conservé l'usage latin du u pour v à l'intérieur des mots."

Traduit en français moderne, cela nous donne, selon la traduction de Ferdinand Brunot :

Pour l'amour de Dieu et pour le salut commun du peuple chrétien et le nôtre, à partir de ce jour, autant que Dieu m'en donne le savoir et le pouvoir, je soutiendrai mon frère Charles de mon aide en toute chose, comme on doit justement soutenir son frère, à condition qu'il m'en fasse autant, et je ne prendrai jamais aucun arrangement avec Lothaire qui, à ma volonté, soit au détriment de mon dit frère Charles.

Or ce texte, qui ferait hurler tout ancien Romain digne de ce nom car il constitue un mélange très net de latin vulgarisé et de mots germains francisés et vice versa, ce texte politique, qui pis est, constitue bel et bien le premier texte écrit dans ce qui peut apparaître malgré tout comme une ébauche de français. Du français très phonologique, diront certains avec raison mais du français tout de même.

La langue cependant vacille encore : elle est toute neuve. S'il n'y a pas grand chose à dire sur l'utilisation des consonnes, on constate que les voyelles représentent souvent plusieurs sons : "u" note aussi bien "ou" (amur) que "u" (commun), le "o" de "cosa" est mis ici pour la diphtongue "au" du latin "causa", etc ... ;o)