Feet in Clay Traduction : Patrick Couton

Dans le dix-neuvième volume des "Annales du Disque-Monde", Pratchett a repris à son compte la très ancienne légende juive du Golem. Mais bien entendu, à Ankh-Morpork, il n'y a pas qu'un seul golem. Cette "chose" comme l'appellent trop de profiteurs, est d'un trop bon rapport pour qu'on n'ait pas eu l'idée d'en fabriquer un certain nombre jusqu'à ce que certains prêtres se fâchent - non parce que le golem travaille 24h/24 pour aucun salaire, je vous rassure tout de suite - mais parce que vouloir créer comme les dieux, c'est évidemment un blasphème.

Façonné en argile, le golem ankh-morporkien ne parle pas : il dispose d'une ardoise sur laquelle il écrit en calligraphie très soignée d'ailleurs. Sa tête est creuse et, à l'intérieur, on y trouve son chem, c'est-à-dire les mots-ordres qui le font agir. Comme le dit Angua, le golem n'est même pas un mort-vivant, c'est un non-vivant, un objet, il n'a pas d'âme.

Voire ...

Toujours est-il que le père Tubelcek, un vieux prêtre passionné par l'Histoire des religions, est retrouvé assassiné avec de l'argile blanche sous les ongles. Ensuite, c'est le tour du conservateur du Musée du Pain de Nain, M. Hopkinson, qui est tué à coup de pain de nain* - le discours de protestation qu'il élève au bénéfice de la Mort sur le fait qu'il ne peut pas encore mourir tant il lui reste de choses à faire vaut d'ailleurs le détour.

Du côté du Guet, tandis que l'agent Hilare Petitcul, ex-alchimiste expulsé de la Guilde pour avoir osé faire sauter ses bureaux, fait son apparition dans l'équipe, plein d'angoisse à l'idée qu'on puisse se livrer aux plaisanteries habituelles sur son nom de famille ;

Tandis que le sergent Détritus traque impitoyablement les trolls dealers de "dalle" ;

Tandis que l'agent Angua panique à l'idée qu'un jour, elle sera bien obligée de quitter Carotte parce que ceci ... et que cela ...

Tandis que le caporal Chicque, complètement abasourdi par la chose (on le comprend) se découvre une ascendance qui remonte aux comtes d'Ankh ;

Tandis que le sergent Côlon lit "La Saillie des Animaux" en envisageant une retraite paisible à la campagne

Et tandis que le capitaine Carotte déambule toujours avec autant de charisme dans tous les quartiers de la ville - y compris les plus mal famés - en appelant le plus humble des mendiants par son petit nom,

Le commissaire divisionnaire Samuel Vimaire, après un détour (ordonné par son épouse Sybil) au Collège Royal Héraldique d'Ankh-Morpork afin d'y récupérer son propre blason - ce qui s'avérera impossible parce que l'un des ancêtres de Vimaire, dit Face-de-Marbre, n'est autre que celui qui coupa le col au dernier roi connu de la ville - se rend à son rendez-vous chez le Patricien.

Qu'il retrouve inanimé et en très mauvais état, sur le sol de son bureau : après enquête, il semble que le Seigneur Vétérini ait absorbé une certaine dose d'arsenic ...

Mais qui oserait ? ... Les chefs des principales Guildes ? Ou ... quelqu'un d'autre ? ... Et si oui, pourquoi ?

Eh ! bien, pour tout dire, l'enquête - car il s'agit bien d'une enquête - est passionnante. Il est difficile de s'arracher à ce livre dans lequel, une fois de plus, Pratchett mêle astucieusement humour (à quel sexe appartient réellement le caporal Petitcul ? les réactions du caporal Chicque, convié à une réception des plus aristocratiques, sont-elles dignes du "Parfait manuel du savoir-vivre" ? le capitaine Carotte est-il aussi naïf qu'il en a l'air ? Jacquot Cerceau est-il vraiment le meilleur médecin d'Ankh-Morpork ?) et questions plus graves (la façon indigne dont sont traités les golems, l'hypocrisie des classes dirigeantes, l'athéisme et la foi).

En hors-d'oeuvre, vous sont présentées en première page les armoiries des plus célèbres familles ankh-morporkiennes. Le boeuf qui soutient en partie celle des comtes d'Ankh aurait, selon l'auteur, une expression typiquement "chicardienne". Donc, si ça vous dit de savoir à quoi ressemble le caporal Chicque, n'hésitez pas et jetez-vous sur "Pieds d'Argile." ;o)

* : Cf. tous les autres volumes de la série, merci. ;o)