Même s'il devait se garder d'y entrer, le Roi ne pouvait ignorer la polémique qui éclatait après avoir si longtemps couvé. D'autant qu'on avait voulu y compromettre Mme de Maintenon et, à travers elle, le toucher, lui. En lisant les pages que Françoise Chandernagor consacre à cette période de très grand froid entre la marquise et son royal époux, on comprend encore mieux pourquoi Louis XIV se devait de réagir avec prudence mais sans miséricorde.

Saint-Simon, pour sa part, ne nous dissimule rien de l'abîme dans lequel Fénelon s'apprête à tomber :

"... ... Ces deux livres, si opposés en doctrines et en styles, et si différemment accueillis dans le monde, y causèrent un grand fracas. Le Roi s'interposa et obligea M. de Cambray à souffrir que le sien fût examiné par les archevêques de Reims et de Paris, et par les évêques de Meaux, Chartres, Toul, Soissons et Amiens, c'est-à-dire par ses adversaires ou par des prélats qui leur adhéraient ; Paris, Meaux et Chartres étaient ses parties (1) reconnues ; Reims s'était joint à eux ; Toul, qui a tant fait parler de lui depuis, sous le nom de cardinal de Bissy, vivait avec M. de Chartres comme avec un protecteur duquel il attendait sa fortune.

Soissons, frère de Puysieulx, était un fat, mais avec de l'esprit, du savoir, et plus d'ambition encore, qui lui avait fait changer son évêché d'Avranches avec le savant Huet, pour être plus près de Paris et de la cour, des volontés de laquelle il était esclave. ... ..."

(1) : il faut lire "ses adversaires", l'adjectif "adverses" ayant été omis selon l'usage du temps.

               
       Henri-Pons de Thiard, évêque de Toul, devenu par la suite cardinal de Bissy.