Mais trop de précipitation, trop de confiance en soi aussi, se révèlent en général nuisibles, Fénelon ne va pas tarder à s'en apercevoir. Saint-Simon se fait ici terrible d'ironie :

"... Si on fut choqué de ne le trouver appuyé d'aucune approbation, on le fut bien davantage du style confus et embarrassé, d'une précision si gênée et si décidée, de la barbarie des termes, qui faisaient comme une langue étrangère, enfin de l'élévation et de la recherche des pensées qui faisait perdre haleine comme dans l'air trop subtil de la moyenne région. Presque personne qui n'était pas théologien ne put l'entendre, et de ceux-là encore après trois ou quatre lectures. Il eut donc le dégoût* de ne recevoir de louanges de personne, et de remerciements de fort peu, et de pur compliment ; et les connaisseurs crurent y trouver, sous ce langage barbare, un pur quiétisme, délié, affiné, épuré de toute ordure, séparé du grossier, mais qui sautait aux yeux, et avec cela des sublimités fort nouvelles et fort difficiles à se laisser entendre et bien plus à pratiquer. ..."

Et Saint-Simon d'ajouter, avec malignité :

"... Je rapporte, non pas mon jugement, comme on peut croire, de ce qui me passe de si loin, mais ce qui s'en dit alors partout ; et on ne parlait d'autres choses jusque chez les dames ; à propos de quoi on renouvela ce mot échappé à Mme de Sévigné lors de la chaleur des disputes sur la grâce : "Epaississez-moi un peu la religion, qui s'évapore toute à force d'être subtilisée." ..."

* : Il faut lire le mot dans le sens d'"affront."