An Obedient Father Traduction : Diane Ménard

Voici un roman dérangeant à plus d'un titre. Son héros, ou plutôt son anti-héros, est proche de l'abjection absolue. Outre le fait que ce petit fonctionnaire au département de l'Education de New Dehli recueille les pots-de-vin pour le compte du riche M. Gupta - qu'il trahira sans vergogne à la fin du roman - il faut ajouter à ces vilaine pratiques qu'il a violé sa fille aînée, Anita, alors que celle-ci n'avait que onze ans et qu'il est tenté d'user de même envers la fille d'Anita.

Mais ce qui dérange, c'est que l'essentiel de l'action nous est décrit par la voix même de Ram Karam - à l'exception de deux chapitres où la parole est donnée à Anita elle-même.

Or, bien que le lecteur soit pris d'horreur devant certains actes du personnage, il est aussi bien obligé de constater que Ram Karam, s'il est faible et lâche, n'a pour autant rien d'un psychopathe. Il s'analyse lui-même sans aucune complaisance, avec beaucoup de masochisme d'ailleurs et, à la fin du roman, c'est sans sourciller qu'il accepte sa propre mort. Il faut dire que, à ce moment-là, l'auteur semble retourner la situation puisque c'est Anita qui devient, en quelque sorte, le bourreau de son père.

Ce roman, qu'on m'avait beaucoup vanté, m'a laissée très perplexe, je l'avoue. Il ne trouve d'explication véritable que si le lecteur admet un parallèle étroit - et plutôt inquiétant - entre la personne de Ram Karam et l'Inde elle-même. Ce qui revient évidemment à dire que l'Inde, fût-elle débarrassée des colonisateurs, demeure un grand corps malade et même gangrené, qu'on plaint et qui horrifie tour à tour.

Dans ce pays si vaste, tous les politiques, sans exception, sont (et ont toujours été) corrompus. Cette corruption rejaillit sur leur clientèle et, de celle-ci, sur les plus démunis. La corruption financière se double d'une corruption spirituelle qui est peut-être encore plus tragique que la première. Mais il y a pire : on dirait que, dans l'esprit du romancier, l'Inde ne peut exister sans corruption.

Je suis donc sortie très partagée de ce roman : je ne saurai pas même dire si je l'ai apprécié ou si je l'ai détesté - ce qui est une première pour moi et ne constitue pas une expérience plaisante.

En tous cas, que vous l'ayez déjà lu ou comptiez le faire, n'hésitez pas à venir me donner votre avis ! ;o)