Riot Traduction : Claude Demanuelli

Une jeune Américaine, Priscilla Hart, qui avait passé une bonne partie de sa jeunesse en Inde où son père occupait un poste important chez Coca-Cola avant que cette société ne fût déclarée pratiquement hors-la-loi par le gouvernement indien, est assassinée de seize coups de couteau au cours de la nuit d'émeute qui a secoué la petite ville de Zalilgarh.

Priscilla travaillait alors pour une association caritative, Help Us, ayant pour but d'initier les femmes indiennes, hindoues, musulmanes et sikhs, à la contraception. Quelques jours auparavant, elle avait aidé une indienne musulmane, enceinte de son huitième enfant, à prendre rendez-vous pour se faire avorter. Le mari avait proféré des menaces de mort contre tous les membres de l'association - et surtout contre les femmes.

Mais, ainsi que le lecteur va le découvrir au fur et à mesure qu'il avance dans ce passionnant roman de 400 pages aux éditions Points, cet époux arriéré n'était pas la seule personne susceptible de souhaiter la mort de la jeune femme ...

Sashi Tharoor met à profit son intrigue pour nous brosser un certain portrait de l'Inde, celui des tensions de plus en plus aiguës entre les communautés religieuses, principalement entre les hindous et les musulmans.

L'émeute tourne évidemment autour de ces rivalités : les hindous estiment - à tort ou à raison - que la mosquée du lieu est construite sur un ancien temple dédié à Rama. Pire : pour certains allumés d'entre eux, ce lieu ne serait autre que le berceau de Rama. Aussi ont-ils décidé d'y rebâtir un temple à leur dieu, au grand scandale des musulmans qui, dans le clan opposé, voient en cette volonté un sacrilège. Comme toujours, et dans les deux camps, il se trouve des déjantés pour appeler à la violence. Et tout dégénère ...

Randy Diggs, journaliste venue enquêter sur la mort de Priscilla Hart, recueille les points de vue des chefs des deux groupes : Ram Charan Gupta pour les indous nationalistes et le professeur Mohammed Sarwar pour les musulmans.

... Et c'est là que le lecteur commence à se poser des questions ...

Comment Sashi Tharoor, qui semble bénéficier d'un talent de conteur non négligeable, a-t-il pu agir avec si peu de subtilité ? Lui, qui prétend à l'impartialité absolue quant aux querelles religieuses de son pays, lui qui prétend du même coup vouloir renvoyer dos à dos hindous, musulmans et sikhs, lui qui prétend défendre la vraie laïcité (ce n'est jamais écrit comme ça mais il faudrait être idiot pour ne pas comprendre) nous montre un Ram Charam Gupta plein de haine et de violence et un Mohammed Sarwar doux, bénin, vertueux, modéré.

De plus, par une pirouette que je n'hésiterai pas à qualifier de venimeuse, il laisse entendre (car il n'a pas le courage d'affirmer) à la fin que ce n'est pas le mari (musulman) de la femme qui voulait avorter qui a tué Priscilla, mais bel et bien, vous vous en doutez, une véritable conspiration d'hindous.

Bref, si vous vérifiez sur le Net, vous verrez que Shashi Tharoor est né dans une famille indienne de religion musulmane. Mon propos ici n'est pas d'attaquer sa religion et je me doute bien que, côté hindou, il doit exister également des écrivains et des artistes qui usent de leur art pour faire de la propagande, officielle ou pas.

Mais ce qui m'a vraiment écoeurée, c'est qu'un homme doué d'un tel talent, d'un tel sens narratif - lisez ce livre et vous verrez que je n'invente rien - puisse ainsi prostituer son Art à une religion, quelle qu'elle soit. En agissant ainsi, Shashi Tharoor donne un coup de poignard supplémentaire à son héroïne. Et franchement, c'est indiqne, à la fois pour l'homme et pour le romancier. <:o<