Reaper Man Traduction : Patrick Couton

Ainsi qu'ont déjà eu l'occasion de le remarquer nombre de lecteurs des Annales du Disque-Monde, la Mort qui y exerce son ministère est de nature foncièrement anti-conformiste. Par exemple, au lieu de pester et tonner devant les rendez-vous avec lui que Rincevent se fait un devoir de manquer périodiquement, il a fini par en tirer un certain amusement et c'est désormais avec un intérêt presque paternel qu'il observe les mutations curieuses auxquelles les fortes décharges de magie ont soumis ce sablier-là.

De même, comme pris de pitié devant le sort réservé par Olive-Oued à Lazzi ("Bon chien, Lazzi !") et Gaspode, la Mort a, d'une pichenette, réactualisé leur compte-vie.

Ce qui, bien sûr, constitue une forme d'irrégularité spatio-temporelle. Surtout aux yeux de ceux que l'Au-delà discal appelle "les Contrôleurs."

Comment définir un Contrôleur pour ceux qui n'ont jamais entendu parler de cette intéressante confrérie ? Eh ! bien, c'est Melle Trottemenu (Renata), héroïne du "Faucheur", onzième tome de la saga, qui a sans doute déniché la formule qui s'applique le mieux à cette déplaisante engeance : pour elle, ce sont les "r'venueurs" et le mot prend racine dans le terme dans ces "revenus" impitoyablement taxés dans tous les mondes du multivers ...

Médiocres et envieux par nature, les Contrôleurs se sont mis dans la tête de mettre à la retraite cette Mort qui leur fait si souvent des pieds de nez. Sous l'effet de cette sentance bien digne de l'humeur fonctionnaire, le condamné reçoit, en cadeaux d'adieu, son fidèle Bigadin et aussi un sablier en parfait état de marche et qui lui donne enfin le temps qu'il n'a jamais eu et dont il est bien décidé à profiter.

Mais si les Contrôleurs ont renvoyé la Mort, ils l'ont fait sans lui trouver de remplaçant immédiat. Bourde énormissime qui va plonger le Disque-Monde dans une pagaïe encore plus prononcée qu'à l'habitude.

Ainsi, Vindelle Pounze, le plus vieux mage de l'UI - 130 ans exactement - à qui ses collègues avaient préparé une belle "fête de Départ" (comme les Sorcières, les Mages ont le privilège de connaître le jour et l'heure exacts de leur décès) se voit contraint de réintégrer son corps parce que, dans l'Au-Delà où il a fait une brève incursion, il n'a trouvé ni Mort, ni d'ailleurs qui que ce soit pour l'accueillir et lui montrer le chemin.

Pour un homme, doublé d'un mage émérite, qui, pendant plus d'un siècle, s'est affiché comme un partisan convaincu non seulement de la survie de l'esprit mais aussi de la réincarnation, c'est tout de même fort de café !

Et voilà l'intégralité des dignitaires de l'Université de l'Invisible, Mustrum Ridculle en tête, entraînés dans une folle course vers un seul but : permettre à cette antiquité de Vindelle de mourir dignement et non de continuer à tituber par Ankh-Morpork comme le mort-vivant qu'il est désormais. Très vite, ils vont d'ailleurs réaliser que Pounze n'est pas le seul à être retenu sur le Disque : plus rien ne meurt, en fait, ni hommes, ni trolls, ni nains, ni animaux, pas même les végétaux ...

Comme dirait Mustrum Ridculle lui-même : "Vous imaginez le p*** de bordel "

Pendant ce temps-là, la Mort, qui s'est fait embaucher comme ouvrier agricole à la ferme de Melle Trottemenu, tente de résoudre quelques unes des questions qu'il s'est toujours posées sur les humains : qu'est-ce que l'ivresse ? comment se fait-on des amis ? quelle est la raison de ce phénomène qu'est le sommeil ? qu'est-ce qu'un cauchemar et pourquoi en a-t-il, lui aussi ? ...

Et surtout : comment continuer à vivre si l'on sait qu'un jour, on mourra ?

Ce qu'il y a de merveilleux, dans ce livre, c'est que jamais l'humour ne perd ses droits en dépit d'un sujet qui n'était pas si simple à traiter.Je vous recommande bien entendu les délires des mages, l'Association fondée par Raymond Soulier contre la discrimination faite aux Morts, le duel final entre la Mort (le vrai, le nôtre ! ;o) ) et son "remplaçant" (un affreux, bêrk ! ) et la déconfiture des "Contrôleurs" que l'on retrouvera, toujous animés d'aussi sinistres intentions, dans "Le Père Porcher."

PS : et en plus, la couverture de Josh Kirby évoque Van Gogh, vous ne trouvez pas ? ... ;o)