Liz Traduction : Th. Arson, C. Beauvillard, A. Champon, S. Charlet, Ch. Claro, J. Guiod, J. Martinache, Ch. Tatum et C. Vié

En lisant cette biographie, je n'ai pas du tout compris pourquoi Elizabeth Taylor avait tenu à l'interdire. Le livre ne passe évidemment pas sous silence ses huit mariages (dont deux avec le même homme, Richard Burton) mais compte tenu de la publicité qu'elle-même encouragea autour de ces événements, on voit mal comment le biographe aurait pu les ignorer.

A part cela, Heymann nous présente une enfant dont la mère, Sara, se sert pour vivre ses propres rêves de gloire contrariés, une pré-adolescente et une adolescente qui, comme Judy Garland (avec qui elle devait partager des problèmes d'alcool et de drogues) fut en fait la propriété de la Metro-Goldwyn-Mayer, laquelle la fit tourner en dépit du bon sens.

Si l'on considère en effet la carrière d'Elizabeth Taylor, on en retient au maximum trois ou quatre interprétations, pas plus. En ce qui me concerne, je citerai : "Le Grand National" (qui la lança) - "Soudain l'été dernier" dont Julie nous parle au fil précédent - peut-être "La Chatte sur un toit brûlant" et enfin "Qui a peur de Virginia Woolf ?" où, aux côtés de Burton, elle campe une Martha plus vraie que nature.

A part ça, je ne vois pas. A bien y regarder, Claudette Colbert, qui tient le rôle de Cléopâtre dans la version de Cecil B. de Mille, joue beaucoup mieux que Taylor dans la version de Mankiewicz. Celle-ci n'est qu'un somptueux livre d'images qui met en valeur la beauté certes réelle de Taylor - mais c'est tout. Et pourtant, l'actrice tenait là un rôle en or.

Mais le problème d'Elizabeth Taylor - le problème fondamental qui devait provoquer par la suite son addiction à l'alcool et aux drogues diverses - ne se situe-t-il pas justement là, dans ce refus (ou cette impossibilité ?) de s'affirmer comédienne et non pas star ? La star, comme son nom l'indique, se contente de briller mais la comédienne, elle, entre dans la peau des personnages qu'elle interprète, chose dont Taylor a été rarement capable - ce qui explique en partie pourquoi Paul Newman, son partenaire de "La Chatte ...", déclara qu'elle ne "donnait rien sur lequel bâtir" à ceux qui lui donnaient la réplique.

Problème largement entretenu par la mère de Taylor mais aussi par les pontes de la MGM et plus tard, lors de "Cléopâtre", par ceux de la Fox - ceci aux dépens de Marilyn Monroe. Tous ont parié sur le nom d'Elizabeth Taylor, sur sa beauté lumineuse mais vide, tous l'ont encouragée dans cette voie. Si l'on excepte Richard Burton, personne ne l'a réellement encouragée à exercer l'art qui est celui du comédien. Encore Burton, acteur inné qui se laissa prendre bêtement au mirage hollywoodien, arriva-t-il trop tard : Taylor ne croyait déjà plus en elle.

Seul moment de grâce, l'extraordinaire film de Mike Nichols : "Qui a peur de Virginia Woolf ?" d'après la pièce éponyme d'Edward Albee. Taylor y remporta le seul oscar mérité de sa carrière - celui qu'on lui décerna pour "La Venus au vison", elle le reconnut elle-même avec ironie, avait été accordé plus à ses malheurs personnels qu'à ses talents d'actrice.

Or, paradoxalement, si Taylor y est si vraie, c'est parce que, pour une fois, elle ne met pas en avant sa beauté.__ Au contraire, elle s'est vieillie, elle a pris des kilos et elle a enfilé une perruque grisonnante pour ce film. Et là, elle est sublime.

Bref, cette biographie fidèle vous laisse une bizarre impression de tristesse, l'impression d'une vie qui, en dépit de la célébrité fabuleuse et de la fortune assurée, est passée à côté de son véritable destin. Après l'avoir lue, on comprend mieux pourquoi Max Lerner qualifia Monroe de "mythe" en ne laissant à Taylor que la "légende.