Qui ne connaît pas l'extraordinaire destin de Françoise de Mortemart-Rochechouart, qui épousa par amour le joueur invétéré qu'était le marquis de Montespan et qui, devenue dame d'honneur de la reine Marie-Thérèse, finit un jour par prendre la succession de Louise de la Vallière dans le coeur du Roi-Soleil ?

Plus ahurissant encore, les enfants de Mme de Montespan et de Louis XIV devinrent des "légitimés de France" - si cela vous intéresse, voir ici-même le scandale dans notre rubrique "A la Découverte de Saint-Simon." Et à la mort du roi, en 1715, peu s'en fallut que la tutelle du petit Louis XV ne revînt à l'un de ces légitimés, le duc du Maine.

Mme de Montespan était morte depuis longtemps, dans le plus grand recueillement.

Catherine Decours, qui a choisi de nous rapporter cette existence exceptionnelle en la faisant narrer par sa protagoniste principale, est historienne. Peut-on dire qu'elle est également romancière, c'est une autre histoire.

De prime abord pourtant, "Aimée du Roi", qui se présente comme les mémoires remis par Mme de Montespan à son intendant afin que celui-ci les confiât à un éditeur, apparaît comme une réussite. La recherche a été poussée, les éléments rapportés sont logiques, les incohérences rencontrées dans l'"Affaire des Poisons" sont montrées du doigt ... mais ...

Parce qu'il y a un "mais."



Reconstituer la langue du XVIIème siècle, ainsi que le fit superbement Françoise Chandernagor avec "L'Allée du Roi", est une tâche délicate qui ne tolère aucun défaut dans la concordance des temps. Et là, visiblement, le lecteur, pour peu qu'il soit passionné par cette période de notre histoire, se rend très vite compte qu'il perçoit toute une multitude de fausses notes.

Puis, en dépit des efforts de Catherine Decours et de la sympathie qu'elle éprouve envers Mme de Montespan, elle ne parvient pas - ce n'est que mon opinion personnelle - à insuffler à la figure de cette femme aussi exceptionnelle en son genre que le fut Mme de Maintenon toute cette puissance et cette rage de vivre dont elle fut assurément porteuse.

Enfin - et c'est peut-être ce qui m'a le plus gênée - des pages entières sont reprises à Saint-Simon. Certes, celui-ci était un lointain parent de Mme de Montespan ... Mais tout de même ... Qu'on cite les emprûnts ! Surtout quand ils s'élèvent à ce nombre !

Bien évidemment, si vous connaissez mal Saint-Simon et si vous vous intéressez d'assez loin au règne de Louis XIV (j'allais écrire un peu à la façon des lectrices de la série "Angélique" bien que cette série, je le souligne, soit tout de même l'une des meilleures jamais faite sur le sujet), vous pouvez acheter "Aimée du Roi" : vous serez ravi et rien ne devrait assombrir pour vous le plaisir réel que l'on prend à cette lecture.

De toutes façons, il était temps de donner la parole à une femme qui, violemment décriée et calomniée sa vie durant, valait sans doute un peu mieux que ce que la légende habilement orchestrée par les adorateurs de Mme de Maintenon a fait d'elle.