Louis XIV avait un frère cadet, Philippe, duc d’Orléans, que l’on appelait aussi « Monsieur. » Dans la crainte de le voir un jour causer autant de problèmes que l’avait fait en son temps son oncle, Gaston d’Orléans, frère de Louis XIII, Anne d’Autriche et Mazarin firent tout pour orienter sa sexualité vers les hommes : c’est ainsi par exemple que sa mère, dit-on, l’encourageait tout enfant à se déguiser en fillette.

Monsieur n’en savait pas moins ce qu’il devait à son rang. Toutes les fois où il partit à la guerre – il y en eut quelques unes – il se comporta avec un courage exemplaire. (Du coup, bien entendu, on l’empêcha d’y aller et on le ramena à ses « mignons » avec ordre de se poudrer et de ne s’occuper que d’une chose : les bijoux pour lesquels il nourrissait en effet une passion toute féminine.) Il s’inclina aussi devant la raison d’Etat qui voulait que, afin de parer aux aléas du Destin, il donnât des héritiers potentiels à la Couronne.

 
                 
                 Philippe, duc d'Orléans, Monsieur, frère du Roi.

Il devait épouser en première noces sa cousine germaine, Henriette d’Angleterre, fille du seul monarque britannique à avoir eu la tête tranchée, Charles Ier et d’Henriette-Marie de France, elle-même fille de notre bon roi Henri IV et sœur de Louis XIII :

                 

Il n’en eut pas d’héritier et sa femme périt neuf ans après leur mariage, dans des circonstances demeurées mystérieuses. La célèbre oraison funèbre de Bossuet commençant par « Madame se meurt ! Madame est morte ! … » fait référence à Henriette d’Angleterre, duchesse d’Orléans.

Du coup, Monsieur se voyait contraint de se remarier. Louis XIV demanda pour lui la main d’Elisabeth-Charlotte de Wittelsbach-Simmern, fille de l’Electeur palatin Charles Ier. Et c’est ainsi que la seconde « Madame », celle que l’Histoire de France nous a conservée sous le nom de « Princesse Palatine », arriva à Versailles.

     
      Elisabeth-Charlotte, duchesse d'Orléans, Madame, seconde épouse de Monsieur.

Autant Henriette d’Angleterre avait été célèbre pour ses coquetteries et son goût de l’intrigue politique, autant la Princesse Palatine apportera de soins à rester en marge de la comédie du pouvoir qui se joue dans les splendeurs et les ors de Versailles. D’abord prise en affection par son royal beau-frère qui appréciait sa passion pour la chasse et son franc-parler, elle verra sa faveur diminuer au fur et à mesure que grandira celle de Mme de Maintenon. De cela comme des avanies qu’elle subit régulièrement, elle se consolera en entretenant une correspondance fournie avec sa tante, ses sœurs et quelques autres, dont Leibniz.

Ses lettres, publiées au Mercure de France, nous sont d’autant plus précieuses qu’elles jettent un éclairage sans complaisance et tout à fait moderne sur la fin du règne de Louis XIV et sur sa cour ainsi que sur une partie de la Régence. Madame y est souvent mordante mais aussi touchante quand elle évoque son enfance au Palatinat et l’amour qu’elle porte à son fils, Philippe, futur Régent. Sous la princesse qui jamais n’oublia son rang et ce qu’il lui imposait, nous apparaît une femme solitaire et malheureuse, courageuse aussi, qui se force à sourire et à faire bonne mine car, comme elle le dit si bien, « dans ce pays-ci (= la Cour), il ne fait pas bon montrer sa tristesse. » Epouse bafouée, elle parvient cependant à nous émouvoir en nous contant la mort subite de son mari. Belle-sœur mise à l’écart, elle sait comme nul autre nous dresser le portrait de l’agonie majestueuse de ce Louis XIV qu’elle aima sans doute en secret. Mère et grand-mère, elle aime les siens mais les restitue sans illusions devant l’Histoire.

Bref, si cela vous intéresse, n’hésitez pas : lisez la Palatine qui, avec le petit duc de Saint-Simon, demeure aussi incontournable dans le règne de Louis XIV et le début de la Régence que les plus grands auteurs professionnels de ce temps.

Et pour en savoir un peu plus sur cette princesse dont l’esprit curieux et cultivé se serait certainement complu aux merveilles du Web et à sa pratique des courriels, jetez un coup d’œil sur ce site.

Fidèle à son image, Elisabeth-Charlotte, duchesse d’Orléans, Madame, vous y attend de pied ferme. ;o)