Ce dimanche, j'ai relu "Le Rouge & le Noir" et je m'étonne toujours autant de la grâce extraordinaire avec laquelle Stendhal a su conjuguer son essence XIXème avec une modernité dont je me demande si lui-même avait conscience. Je pense surtout à ces monologues intérieurs dont il entrecoupe son texte avec un naturel dont bien peu d'auteurs contemporains peuvent se flatter.

Quand on décide d'écrire, on a le choix :

1) déjà, il faut trancher entre le "Je" et le "Il." On peut aussi faire alterner les deux mais l'exercice est périlleux ;

2) puis, l'on opte soit pour le narrateur omniscient, soit pour la vision d'un personnage qui sera le héros mais qui n'aura pas la vue globale de l'écrivain maître de toutes les ficelles. Bien entendu, on peut choisir également le point de vue de deux, voire trois personnages essentiels qui l'exposent chacun à son tour ;

3) en élargissant le procédé, on en arrive à ce que Lawrence Durrell fit avec son "Quatuor d'Alexandrie" : (Anaïs Nin se plaignait qu'il lui eût fauché l'idée mais elle était elle-même tellement mythomane ...)une même histoire mais vue par un héros différent selon le livre entrepris. Là encore, exercice bien périlleux mais on ne peut plus intéressant. Risque encouru : lasser le lecteur. Je ne saurais quant à moi juger le travail de Durrell car, en dépit de passages splendides où l'on "voit" la couleur des mots bien plus qu'on ne les entend ou qu'on ne les lit, je bloque toujours sur "Justine", "Balthazar", "Mountolive" et "Cléa." A mon modeste avis, les personnages ne sont pas à la hauteur psychologique du projet ;

4) reste enfin le modèle Joyce (ou Woolf) pour ne citer que deux auteurs parmi les plus connus : une ville ou une journée. Au gré des heures et des recoupements, s'organise la ronde des personnages.