''29 août 2006.''

Mais c'est au mois de juillet qu'un autre incident m'a "éclairée" ou "fait peur", c'est comme on veut. Flavien jouait sur le balcon où il y a de l'herbe et quelques ronces. Ses soeurs et moi nous trouvions dans ma chambre. Nous n'avons strictement rien entendu : ni cri, ni pleurs, je l'affirme. A un certain moment, je me levai pour aller choisir un livre dans le salon. J'y découvris l'enfant, la tête sur la table et en larmes, de grosses larmes silencieuses. Affolée, j'appelais les filles, nous cherchâmes, posâmes des questions auxquelles il ne répondit évidemment pas ... Et ce fut mon aînée qui découvrit une épine de ronce que Flavien s'était enfoncée sous l'ongle du gros orteil par accident. On le soigna, on le câlina et tout fut arrangé.

Seulement voilà : se peut-il que, à l'école, il se soit produit des incidents du même genre, c'est-à-dire des douleurs profondes, physiques ou morales, peu importe, que l'enfant n'ait pu exprimer que par des pleurs et sans cris (pourquoi ? c'est une autre affaire, les parents d'enfants de ce genre savent combien il est difficile de donner une réponse à certains comportements en apparence mais en apparence seulement illogiques de nos petits) et que la maîtresse et l'entourage immédiats, sans qu'il y eût d'ailleurs faute de leur part, n'eussent pas été à même de comprendre ?

Si oui - et l'hypothèse est très vraisemblable : par exemple, malgré sa joie d'aller à la piscine, l'enfant était toujours en larmes avant d'aller sous la douche ! - ces incidents n'auraient-ils pas mis la pression sur Flavien et, conjugués avec l'inquiétude qu'il ressentait pour sa mère malade, n'auraient-ils pas contribué à lui rendre l'école insupportable ?

Après en avoir discuté avec son orthophoniste, nous en sommes revenus à l'idée d'une semi-scolarisation : une ou deux demi-journées par exemple, plus de cantine (mangeait-il à la cantine ? non, il ne se nourrissait que de pain et parfois, je ne le sus que par ma fille cadette, au mois de mai, certains enfants criaient sur lui pour le forcer à manger : le pire est qu'on les laissait faire !), des séances chez l'orthophoniste, le psychomotricien et le thérapeute et, pour l'apprentissage de la lecture et de l'écriture, la maison avec moi, qui suis disponible et certaines méthodes spécialisées ? Voire même un retrait de l'école. Mais si la chose est admise dès la 6ème, l'est-elle pour les enfants du "primaire" ?

Il me semble que oui mais quel combat en perspective !

Cet été, j'ai remis Flavien à l'alphabet. Pas de problème mais un refus absolu et un énervement qui monte toutes les fois que je reprends ses "étiquettes" de l'école. Il a aussi fait d'autres progrès, comme toujours en été et il est redevenu normal : il ne crie plus, il rit, il joue, désormais il prend tout seul sa pile de "Petit Ours Brun" pour que je les lui lise au moins deux fois par jour (ce qu'il n'avait jamais fait jusqu'ici), bref, il est heureux sauf si l'on parle de rentrée et d'école. Il dit aussi "mon" ou "mes" livres et cela, c'est d'autant plus important qu'il reconnaît ainsi sa qualité d'individu, de personne à part entière.

Cet été, il a également accepté de manger trois nouveaux aliments. Toujours étrange dans ses goûts, il a choisi le saucisson à l'ail, les biscottes nature et ... la mayonnaise. (Avec son mètre vingt-huit pour 26,5 kg, il peut se permettre tout ça et c'est mieux que se bourrer constamment de pains ou de "Curlys".)

La rentrée se précisant de plus en plus, j'ai bien été obligée de remettre le sujet sur le tapis avec lui. Aussitôt, crise, crise, affolement, angoisse réelle et toutes les peines du monde pour moi pour le calmer.

Notons bien : je ne mets pas en cause que les CLIS ne soient bénéfiques pour certains enfants et que, dans le cas de Flavien, la sienne ne l'ait aussi été à un certain moment. Mais on achoppe toujours sur leur manie de l'"évolution" selon les circulaires, sur leur amour des étiquettes et des tiroirs (dont j'ai personnellement horreur) et sur une rigidité d'esprit administrative souvent malsaine.

Mais Flavien n'est pas encore prêt.

Sincèrement, je suis morte d'angoisse à l'idée que, clopin-clopant, il va falloir encore que j'aille me battre avec l'homo natiolalis educatio moyen et les tonnes de bêtises que recèle sa cervelle pourtant modeste.

Mais c'est pour mon fils que je me battrai : ergo, je vaincrai.

Quand je vois ma fille aînée, à qui les alter ego de ces gens certifiaient - et avec quelle arrogance ! - un avenir quasi-végétatif il y a de cela vingt ans, oui, quand je la vois en train de dévorer les Rougon-Macquart (elle en est à "La Conquête de Plassans") à mes côtés, je me dis quand même : "Il y a de l'espoir : courage ! Et n'oublie pas : si vis pacem, para bellum."