Il y a, à se faire vomir, une volupté à nulle autre pareille.

Quand je vivais en Normandie, les toilettes se trouvaient dans une pièce tout en longueur, en fait une ancienne salle de bains. A l'opposé des toilettes, un lavabo d'angle.

J'allais me faire vomir. Puis, je retournais passer mes mains, mes poignets et mes avant-bras sous l'eau froide - il n'y avait qu'un robinet d'eau froide sur ce lavabo. Et je n'oublierai jamais cette sensation : la fraîcheur qui coulait sur mes bras (même en plein hiver, c'était délicieux), la pureté qui m'inondait tout entière et cet apaisement qui se répandait dans tout mon être ...

C'est cette sensation que je recherchais avant tout, cette pureté merveilleuse qui faisait de moi, pour de trop brèves secondes et au prix de ces vomissements insensés et pourtant contrôlés, une petite fille naïve, intacte - la petite fille que je n'ai jamais eu le droit d'être.