Les Manuscrits Ne Brûlent Pas.

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Policiers, romans noirs & C°.

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dimanche, juillet 1 2012

Delirium Tremens - Ken Bruen (République d'Irlande)

The Guards Traduction : Jean Esch

Extraits Personnages

Il m'a fallu pas mal de temps pour m'habituer aux chapitres très brefs, aux citations en exergue et, plus encore, au style de l'auteur : un style qui semble sautiller à la limite du coq à l'âne et qui privilégie les phrases courtes. Mais la férocité des répliques m'a fascinée dès la première que j'ai lue et m'a, je suppose, maintenue sur le chemin de la lecture.

"Delirium Tremens", premier opus de la série des enquêtes de Jack Taylor, est en effet avant tout ce que je nommerai un polar d'ambiance. L'intrigue policière constitue ici un fil rouge bien ténu dont, parfois, on a l'impression de perdre carrément la trace, ce qui ne peut que frustrer un lecteur déjà rendu perplexe par le style. Néanmoins je ne saurais trop recommander au néophyte de s'accrocher car, au fur et à mesure qu'on avance, non seulement le fil rouge devient plus évident en prenant carrément une direction à laquelle on ne s'attendait pas, mais le caractère du héros se précise à son avantage tandis que ceux qui gravitent autour de lui, eux aussi, prennent corps et relief.

Au départ, une mère dont la fille s'est officiellement suicidée s'en vient demander l'aide de Jack Taylor. Pour elle, la jeune fille a été assassinée. Mais pour rouvrir l'enquête, il faut bien entendu rassembler des preuves suffisantes pour convaincre la police. Entre deux répliques acérées et quatre gorgées de whisky, Taylor accepte la mission, plus par pitié que par réel enthousiasme.

Cette mission va l'entraîner aux quatre coins de Galway - l'action se situe dans la ville natale de l'auteur, pourquoi se compliquer la vie ? - et lui faire croiser toute une foule de gens dont certains n'ont pas vraiment de rapport avec son enquête. Du coup, pièce par pièce, voire par fragment de pièce, on commence à en apprendre pas mal sur Taylor lui-même - en particulier sur son amour des livres qui lui vient droit de son père et de son enfance. Comme toile de fond, une République d'Irlande où la frénésie affairiste des années quatre-vingt-dix ne parvient pas à dissimuler les laissés-pour-compte de la société. Toujours là, éternellement là, est-on tenté d'écrire, l'église catholique, idole à la fois adorée et vouée aux gémonies.

Autre constante du roman : l'obstination purement celtique avec laquelle notre privé irlandais essaie de tenir l'alcool à distance.

Au beau milieu de tout ça, mine de rien, Bruen nous assène quelques réflexions pas piquées des hannetons sur le sens de l'existence, une existence qu'il voit résolument vouée à la violence et à l'iniquité. C'est sans doute pour cela qu'il a créé Jack Taylor, pour rétablir un peu, de temps à autre, l'équilibre de la balance. Certains apprécieront, les pros de l'angélisme et de la bien-pensance crieront au scandale - vous verrez qu'un jour, si on les laisse faire, ils essaieront d'interdire le roman noir !

En tous cas, personnellement, j'ai beaucoup aimé. D'autant que Bruen a bien réfléchi à son sujet et qu'il ne fait pas l'impasse sur la possibilité du "justicier" se réduisant en fait à un assassin sadique comme les autres.

Bref, vous l'aurez compris, je lirai d'autres Ken Bruen, c'est certain. Et vous devriez faire comme moi.

samedi, juin 30 2012

Retour A La Grande Ombre - Håkan Nesser (Suède)

Återkomsten Traduction : Agneta Ségol & Pascale Brick-Aïda

Extraits Personnages

Disons les choses franchement : je n'ai pas franchement accroché. J'ai eu l'impression - peut-être fausse - que, comme beaucoup d'autres, Nesser était comme paralysé par Henning Mankell.

J'avoue humblement que, dès qu'il est question de polar suédois contemporain, je crois voir Mankell au détour de chaque ombre, de chaque disparition, de chaque cadavre. Le succès international de l'écrivain et de son oeuvre y est sans doute pour beaucoup car, avouons-le, qui associe aujourd'hui les mots "polar" et "Suède" finit automatiquement par lancer le nom de Mankell : et si le lecteur ne peut pas y échapper, comment un romancier, arrivant en plus dans la profession quelques années après lui, pourrait-il y parvenir ?

Depuis Mankell et malgré quelques merveilleux opus comme "Le Guerrier Solitaire", "La Muraille Invisible" ou "Les Morts de la Saint-Jean" - le polar suédois est dominé par la tristesse et le désespoir et peine à retrouver l'humour qui, pourtant, était présent chez les Grands Anciens que sont Maj Sjöwall et Per Wahlöö. Chez Mankell, l'Auteur Engagé Par Excellence, l'humour n'est pas de mise. Il faut désespérer et se désespérer à bloc et affirmer ou laisser entendre à chaque chapitre que, dans cette société bassement capitaliste (comme l'est la société suédoise et, partant, toute la société occidentale), seule nous attendent décadence et déclin. Pas question de danser un bon rigodon et encore moins un rock échevelé issu des immondes U. S. au sommet de ce volcan en ébullition. Pas question de rire de sa fin prochaine ou de porter un ou deux toasts à celle-ci avant de s'égailler dans une dernière bacchanale : désespoir, rigidité, apocalypse (largement méritée), tel est le programme de Mankell.__

Comme c'est un excellent écrivain et qu'il est très doué pour planter son décor et créer des personnages et des intrigues crédibles, la recette a connu un grand succès. Dans ses conditions, vous diront ses confrères, pourquoi ne pas la suivre ?

Parce qu'il n'y aura jamais qu'un seul Wallander (le héros récurrent et pessimiste comme c'est pas permis de Mankell.) Et que le Désespoir, les méditations pseudo-existentialistes et le dégoût généralisé de la vie sans le moindre désir de la tourner en ridicule, poussés il est vrai à un rare degré d'intensité, sont ses marques de fabrique à lui, et à lui seul. Et puis parce que Wallander, à bien y regarder, il est sympa, on l'aime bien et on compatit - oui, on compatit parce que se poser autant de questions inutiles et se les reposer sans cesse, c'est une sorte de maladie - mais enfin, ce n'est pas Dieu.__

Dommage que la majeure partie des auteurs de polars suédois aient tant de difficultés à en prendre conscience. Tétanisés soit par la perspective des droits d'auteur qui doivent être ceux de Mankell, soit par l'angoisse de se rétamer honteusement s'ils tentent une autre recette, une autre sauce, ils n'osent plus bouger d'une virgule dans un paysage polardeux voué semble-t-il à ne plus abriter que les interrogations presque métaphysiques d'un policier indécrottablement dépressif.

Håkan Nesser, lui, a essayé. C'est déjà ça. Sa volonté de situer l'action de sa première série dans une ville qui pourrait être suédoise aussi bien que hollandaise ou allemande, le marque bien. Son héros, le commissaire Van Veeteren, tente aussi de se démarquer : il a la cinquantaine - dans ce roman d'ailleurs, il approche plus de la décennie suivante - entend vaincre un cancer des intestins qu'on vient de lui découvrir et, malade ou non, se plaint absolument de tout et de tout le monde. On suppose qu'il souffre, lui aussi, de la grande plaie ouverte de tous les héros de polars et de thrillers, quelle que soit leur nationalité, et qu'il a été malmené par la vie : à cinquante-sept ans, comment pourrait-il en être autrement ? Mais cela reste de bonne guerre.

Autre point très important : Nesser n'hésite pas à utiliser l'humour, fût-il noir. C'est assez timide mais au moins, c'est agréable.

Malheureusement, le trait reste assez mal assuré, la description du microcosme villageois où est née toute l'affaire est contrainte, les personnages ne vivent pas vraiment et l'intrigue générale, avec ses flash-backs, semble un peu tirée par les cheveux. D'autant que Nesser ne donne aucune explication sur le caractère de la victime - un caractère qui lui a pourtant permis d'accepter de passer près d'un quart de siècle en prison alors qu'il était innocent. Suffit-il de préciser que, dès l'enfance, l'homme en question était particulièrement renfermé et indépendant, pour justifier cette extraordinaire performance ? Dans la réalité, peut-être. Dans la fiction, certainement pas. Quant à l'analyse de l'assassin, elle est du même tonneau et laisse, là aussi, le lecteur sur sa faim.

Pour m'assurer qu'il s'agit bien là du dessein voulu par l'auteur et non d'une erreur d'aiguillage, je lirai sans doute l'un de ses autres romans. Mais pas tout de suite.

vendredi, juin 29 2012

Pleins Feux - Patricia Wentworth (Grande-Bretagne)

Spotlight Traduction : Patrick Berthon

Extraits Personnages

Ah ! Enfin, diront certains, un roman avec Miss Silver ! Eh ! bien, oui, et même l'un des plus réussis, selon moi.

Le décor qui s'installe très vite semble d'ailleurs imaginé pour elle : un vieux manoir nommé "La Grange", possession d'un homme d'affaires qui vient de se faire assassiner. Miss Silver n'y est pas appelée à proprement parler pour résoudre le crime mais bparce qu'elle avait eu l'occasion de rendre un signalé service à l'héritière du disparu/b et que celle-ci s'estime plus rassurée si la vieille demoiselle vient lui tenir compagnie pendant la durée de l'enquête.

Bien que sacrifiant à quelques traits classiques - la jeune fille sans emploi qui en déniche un au pied levé, le soupirant qui feint le cynisme mais l'aime en secret, etc ... - que l'on retrouve souvent chez Wentworth mais que l'on accepte de bonne grâce tant on veut "savoir la fin", l'intrigue de "Pleins Feux" est plutôt complexe. En fait, la victime, Gregory Porlock - dont ce n'était pas le vrai nom, soit-dit en passant - exerçait depuis des lustres le très vilain métier de maître-chanteur. Et il était doué. Mais tant va la cruche à l'eau qu'un jour ...

Provocateur dans l'âme, Porlock n'avait pas résisté au désir de réunir ce soir-là à sa table une dizaine de personnes qui, toutes, pour une raison ou pour une autre, avaient bien des raisons de lui en vouloir et de le redouter. De Dorinda Brown, qui le reconnaît immédiatement comme "le Méchant Oncle" de son enfance, celui qui, avant de l'abandonner sans tambour ni trompette, fit tant pleurer la tante qui l'avait élevée, à Mr et Miss Masterman, qui viennent tout juste d'hériter une somme astronomique de la part d'une vieille cousine morte intestat, se dévide l'intégralité de la gamme des suspects : le couple Oakley dont l'épouse manque s'évanouir devant le cadavre en appelant celui-ci du prénom de "Glen", Mr Tote qui a le temps de confesser à sa femme, un peu avant la soirée fatale, que Porlock le "tient" par une histoire de marché noir, la belle Moira Lane qui, pour satisfaire aux exigences de la vie mondaine, a dû se résoudre à dérober, puis à vendre un bracelet de grande valeur, et enfin Leonard Carroll, comédien de son état et, dans le fond, un aussi vilain monsieur que l'était son hôte.

Ajoutez à cela un majordome qui n'est en fait qu'un détective privé expédié chez Porlock par des particuliers qu'il faisait chanter et le tableau sera complet.

Pour résoudre l'affaire, la police officielle en la personne de Frank Abbott, ancien élève de Miss Silver, et son supérieur hiérarchique, l'inspecteur Lamb. Et Miss Silver, bien entendu.

C'est à la fois tranquille et inquiétant, aussi embrouillé parfois que l'un de ces écheveaux de laine qu'aime à défaire l'ancienne gouvernante ou, au contraire, si clair, si évident, semble-t-il, que l'esprit recule en se disant que cette solution-là est bien trop criante pour être la bonne. De toutes façons, cela constitue un excellent moment de lecture - et de relecture.

jeudi, juin 28 2012

Cache-Cache Avec Le Diable - Patricia Wentworth (Grande-Bretagne)

Devil in the Dark Traduction : Delphine Rivet

Extraits Personnages

"Devil in the Dark" est un roman où n'intervient pas Miss Silver, l'"armchair detective" prototype de la Miss Marple d'Agatha Christie et de quelques autres. L'atmosphère en est donc un tantinet différente, Miss Silver apportant avec elle son sens tout edwardien des convenances et de la réflexion. Les personnages comme Frank Abbott, inspecteur au Yard, et son supérieur, March, sont donc tout aussi absents et les aficionados de l'ex-gouvernante reconvertie dans les enquêtes privées - dont je suis, je l'écris sans honte - regretteront sans doute les "Mon cher Frank !" régulièrement adressés au premier par son ancienne institutrice. Car, qu'elle l'ait voulu ou non, Wentworth reste pour ses fans inéluctablement liée à Miss Silver.

Pour autant, "Cache-Cache Avec Le Diable" est loin d'être un mauvais roman. Assez bizarrement, il émane de lui un parfum hitchcockien et le suspense est rigoureusement maintenu pendant les deux tiers - voire un peu plus - de l'ensemble. Même s'il trouve que quelque chose ne colle pas dans cette histoire de frères dont deux sont morts et un troisième porté disparu, le lecteur ne cesse de changer d'opinion sur l'identité réelle du dénommé John Brown. L'aimable et flirteur Bertrand Darnac, une bonne connaissance pourtant de l'héroïne, en tous cas en principe, parvient également à exhaler çà et là quelques relents de souffre. A l'exception sensible de la tante Marina, tous les membres de la famille Hildred peuvent d'ailleurs être tenus pour suspects, à l'un ou l'autre moment.

L'intrigue tourne autour d'un héritage très important que, suite à la "disparition" de ses deux oncles, Henry et Maurice, et de la mort de son père, Jack, la jeune Lucilla recevra dans son intégralité à sa majorité. Par un tour de passe-passe notarié, l'oncle qu'il lui reste et qui est aussi son tuteur - avec la tante Marina - Geoffrey Hildred, pas plus que son fils, Richard, surnommé Dicky, n'y ont aucun droit.

Et bien entendu, toute une pléthore d'"accidents" étranges et susceptibles de se révéler mortels semblent prendre pour cible l'adolescente, sous les yeux de plus en plus inquiets de Sarah Trent, une jeune fille engagée par la famille pour lui servir plus ou moins de "demoiselle de compagnie."

Qui est à l'origine de ces "accidents" ? Le simple hasard ? Une personne malintentionnée ? Lucilla elle-même, atteinte de quelque trouble mental non diagnostiqué ? Après tout, alors qu'elle se trouvait en pension, un incendie a éclaté par deux fois dans sa chambre ...

Ici encore, un policier classique qui se savoure tranquillement. A réserver aux amateurs d'intrigues un peu désuètes mais bien agencées et aux amoureux d'une atmosphère qui n'existe pas dans nos polars et thrillers contemporains.

Le Bonhomme de Neige - Jo Nesbø (Norvège)

Snømannen Traduction : Alex Fouillet

Extraits Personnages

Attirée par la quatrième de couverture, j'ai fait avec ce livre ce que je ne fais jamais - ou presque jamais - j'ai entamé une série par l'un de ses derniers opus parus, en l'espèce l'avant-dernier. J'ai donc découvert un univers solidement planté dans la neige norvégienne et aussi singulièrement bien charpenté, à savoir : un inspecteur toujours prêt à jouer au franc-tireur, alcoolique, hanté par le souvenir de trop de morts non résolues (Harry Hole), sa petite amie qui l'a quitté parce que, comme la majeure partie des compagnes de policiers, légitimes ou non, en tous cas dans la fiction, elle ne supportait plus de voir Harry ne jamais "décrocher" de son travail (Rakel), le fils adolescent de Rakel (Oleg), qui voue un véritable culte à Harry, un inspecteur adjoint à la limite de la beaufitude (Magnus Skarre), un technicien des services scientifiques fan de la culture américaine des années cinquante (Bjørn Holm), un supérieur hiérarchique d'une rare ouverture d'esprit (Gunnar Hagen) sans oublier les figures secondaires des services de Police.

Si l'on s'en tient à la seule intrigue policière, il n'est évidemment pas nécessaire d'avoir lu les livres précédents pour en suivre les méandres - et ils sont nombreux ! Mais pour ceux qui veulent à tous prix de l'action dès le début, ceux qui, comme ils aiment à le clamer haut et fort, n'aiment pas "les longueurs" (enfin, ce qu'ils prennent pour des longueurs parce qu'ils n'analysent pas la démarche de l'auteur) et ceux qui, de façon générale, n'apprécient pas les personnages de flics complexes, mieux vaudrait, à mon avis, commencer par "L'Homme Chauve-Souris", premier volume des aventures de Harry Hole. Pour voir comment tout s'y installe peu à peu : ambiance, décor, personnages, leurs tics, leurs défauts, leurs qualités, et surtout pour vérifier si ça accroche ou pas. Mais qu'ils passent au large de ce "Bonhomme de Neige" qu'ils risquent de trouver tout ce qu'il n'est pas : lent, poussif et piloté par un héros bizarroïde ayant une tendance certaine aux états d'âme.

Tous les autres, les dingues de la complexité, les amoureux des flics atypiques, les amateurs de tueurs en série fictifs plus portés sur l'intellect que ne le sont en général leurs homologues américains (dans le style des romans de Richard Montanari, par exemple, vite lus, vite oubliés), il vous faut lire Jo Nesbø. Vous pouvez commencer par son "Bonhomme de Neige" si, comme ce fut le cas pour moi, le thème choisi - la disparition de mères de famille lorsque tombe la première neige à Oslo et l'édification de curieux bonshommes de neige dans leurs jardins respectifs - vous séduit particulièrement. Comme vous pouvez choisir "L'Homme Chauve-Souris" et respecter l'ordre de sortie des livres. Non, répétons-le, parce que les intrigues sont liées entre elles d'un livre à l'autre mais pour le plaisir et l'intérêt qu'éprouve tout amateur de bons romans - polars ou pas - quand il sait qu'il a découvert un auteur de qualité, capable de créer un univers original autour de thèmes pourtant ressassés, et de le lui faire partager.__

Pour ceux qui tenteront "Le Bonhomme de Neige" sans passer par "L'Homme Chauve-Souris", sachez que vous y retrouverez cette lenteur propre aux polars scandinaves et qui n'est pas, à proprement parler, de la lenteur mais la nécessité de prendre son temps, nécessité plus impérieuse sans doute en un monde où l'hiver est si long et le froid si pesant. Fidèle à la règle du bon écrivain de polars, Nesbø essaime çà et là quelques petits cailloux pour que nous suivions la piste. Mais il est roublard - son Bonhomme de Neige aussi - et il arrive qu'on suive les mauvais cailloux, ceux qui ne débouchent sur rien ou sur un mensonge. Pourtant, dans les trente premières pages du roman, un détail est fourni qui, si le lecteur le relie correctement à la grande scène du début, livre en fait l'identité du criminel ...

Oui mais voilà : on s'interroge beaucoup sur cette grande scène et, du coup, on n'a pas le raisonnement si aiguisé qu'on le voudrait ...

En tous cas, lisez "Le Bonhomme de Neige" et courez découvrir le reste de l'oeuvre de Jo Nesbø. Je suis sûre et certaine que ça vaut le déplacement. D'ailleurs, j'y vais, moi, de ce pas.

mercredi, juin 27 2012

Ultimes Rituels - Yrsa Sigurðardóttir (Islande)

Þriðja táknið Traduction : Marie de Prémonville

Extraits Personnages

Un premier roman policier extrêmement bien mené. En fait, c'est la manière dont toute l'action est amenée et guidée qui sauve l'intrigue. Non que celle-ci soit médiocre mais une fois de plus parce que, lorsqu'on lit beaucoup de policiers, on finit par repérer très vite les détails révélateurs, ces "petits cailloux du Petit Poucet" que l'auteur est bien obligé d'éparpiller çà et là faute de se voir reprocher par la suite d'avoir mené son lecteur en bateau.

Précisons-le tout de suite : on ne devine pas l'identité de l'assassin avant les dernières pages. En revanche, ce que l'on devine très vite, ce sont les raisons pour lesquelles la famille de la victime, et tout particulièrement son père et sa mère, entretenaient avec elle des rapports aussi glaciaux. Et cela soutient grandement l'intérêt du lecteur jusqu'au final, plus peut-être - mais je ne parle que pour moi - que le désir de connaître le nom de l'assassin.

Rappelons brièvement l'intrigue : un jeune étudiant en Histoire, Harald Guntlieb, issu d'une famille richissime de banquiers allemands, vient travailler en Islande sur une thèse consacrée à la mise en parallèle des exécutions de sorciers en Europe continentale et en Islande. En Europe continentale, ce sont les femmes qui ont constitué la majorité des victimes - et c'est en ce sens qu'on peut réellement parler de "chasse aux sorcières." En Islande au contraire, ce sont les hommes qui, en priorité, ont nourri les bûchers.

Harald connaît d'autant mieux la question que son grand-père ne s'est pas contenté de lui léguer un héritage qui le rend parfaitement indépendant sur le plan financier : il lui a aussi passé la marotte de tout ce qui concerne l'Histoire de la Sorcellerie et de ses rituels. Le jeune homme en a même conçu une telle passion qu'il a procédé - ou fait procéder - sur sa personne à toutes sortes d'opérations du style pearcing aggravé, gravures à même la peau, etc ... avant de couronner le tout par une opération destinée à rendre sa langue bifide, comme celle des serpents ...

Comment un tel personnage a-t-il pu se faire assassiner, et par qui ? Et qui, surtout, a trouvé bon non seulement d'apposer une dernière gravure sur le corps du défunt mais aussi de l'énucléer ? ... Pour quelles raisons ? ...

La résolution de l'énigme décevra peut-être : c'est qu'elle est si ... hum ... si banale, si bassement matérialiste. On a beau se dire que, traditionnellement, le Diable est reconnu comme étant "le Seigneur de la Matière", ça ne console pas.

Néanmoins, dans l'ensemble, on passe un bon moment de lecture, pas si gore qu'on pourrait le penser d'ailleurs. Et puis, l'auteur a eu l'excellente idée de préserver jusqu'au bout l'ambiguïté du caractère d'Harald. Certaines explications finales sur son enfance ne parviennent pas en effet à résoudre l'énigme ultime : était-il un enfant normal ou un psychopathe en puissance ?

vendredi, novembre 4 2011

L'Arcane Sans Nom - Pierre Bordage

Extraits Personnages

L’œuvre :

L’Arcane Sans Nom – Pierre Bordage – Editions Elb – 222 pages – 15 €

Résumé :

Provisoirement réfugié à Paris, un jeune déserteur de l’armée régulière afghane tente de passer en Grande-Bretagne. Pour ce faire, il accepte d’assassiner une parfaite inconnue mais renonce au dernier moment à sa « mission. » S’ensuit une traque haletante dans Paris, parmi une faune étrange où se mêlent squatters satanistes, mendiants roms et hommes de pouvoir flanqués de gardes du corps haineux … Notre héros verra-t-il un jour les blanches falaises de Douvres ? …

Nous tenons à remercier non seulement les Editions Elb mais aussi le site "Les Agents-Littéraires" qui, dans le but hautement louable de faire connaître des auteurs et/ou des maisons d’édition peu médiatisés, nous ont gracieusement procuré cet exemplaire de "L’Arcane Sans Nom." N'hésitez pas vous-même, vous qui nous lisez, à les rejoindre et à participer à l'aventure dans laquelle ils se sont lancés.

L’impression d’ensemble est mitigée pour ce court roman qu’on peut définir à cheval entre le roman d’aventures et le roman noir à la française.

Du côté de l’intrigue, aucun problème : elle ne laisse aucun instant de répit au lecteur. Le schéma est simple et le chemin suivi par l’auteur, direct. On compatit vite aux malheurs qui n’arrêtent pas de coller aux trousses du héros à compter du moment où l’engrenage se referme sur lui. On sait que la fin ne sera pas rose mais on espère aussi qu’il en sortira vivant.

Les personnages ensuite. L’intrigue, musclée mais sans prétention, requiert des personnages simples, répondant à certains types toujours présents dans ce genre de livres. Le point de vue adopté, celui du héros, évite de plonger dans les sentiments des personnages, amis et ennemis, qui gravitent autour de lui. Là encore, la simplicité, la clarté originelles sont respectées. Dommage que la méthode conduise facilement à une forme de manichéisme naïf que certains trouveront exaspérant. En effet, si l’on excepte Ten la sataniste et l’inspectrice de police qui, pour son malheur, partage un temps l’appartement de Sahil l’Afghan, tous les « bons » sont systématiquement typés minorités ethniques et/ou sociales tandis que tous les « méchants » sont des Occidentaux à l’aise dont on est prêt à parier qu’ils ont les yeux bleus et les cheveux blonds. On en sourit ou on se met en colère, au choix. Ayant l’habitude de la chose, j’ai souri. D’autres ne seront pas aussi bienveillants.

Le style enfin est impeccable et convient à merveille à ce type de livre : rythmé, sec, direct.

A lire donc, sans trop se casser la tête, pour le plaisir.

La seule question que je continue à me poser, c’est : « Pourquoi ce titre ? L’Arcane sans nom, c’est la lame treize du Tarot de Marseille, traditionnellement associée aux Gitans et aux Roms. Seulement elle n’apparaît nulle part dans ce livre. Alors ? …

Ma note :

Oh ! que je n’aime pas ça, noter ! … 3/5.

dimanche, octobre 3 2010

Los Angeles Noir - Collectif présenté par Denise Hamilton

Los Angeles Noir Traduction : Patricia Barbe-Girault & Adelina Zdebska

Extraits

Merci aux Editions Asphalte qui, par l'entremise d'un partenariat avec Blog-o-Book, nous ont permis de découvrir cet ouvrage.

En principe, tout recueil de nouvelles présente de grandes inégalités. Ce"Los Angeles Noir", orchestré par Denise Hamilton, elle-même auteur de thrillers aux USA et qui a fourni à cette anthologie le texte "Minuit à Silicon Alley", fait exception à la règle.

Bien qu'on apprécie forcément telle ou telle nouvelle par rapport aux autres, on ne peut nier que presque toutes se montrent fidèles au genre qu'elles prétendent servir, ce roman noir à l'ambiance oppressante et désespérée souvent ponctué d'une chute finale qui en souligne le cynisme absolu. Outre Hamilton elle-même, seize noms du polar américain se donnent ici un rendez-vous qui tient ses promesses.

Michael Connelly, inusable, ouvre le bal avec "Mulholland Dive", titre jeu-de-mots pour une histoire d'assassin noyé de façon aussi stupide que l'arroseur du proverbe se fait arroser. Vient ensuite la première femme de la série, Naomi Hirahara, avec un texte magistral où règnent une folie progressant lentement vers son but et un saphisme qui, jusqu'au bout, taira son nom.[

"Une Epoque Dangereuse" , d'Emory Holmes II, est une classique histoire d'amitié entre un flic et un garde du corps, sur fond de trafic de drogues au pays du gangsta rap. Denise Hamilton, qui s'est réservé la quatrième position et la fin de la première partie, a choisi un noir particulièrement grinçant pour "Minuit à Silicon Alley." Un peu comme Janet Fitch avec sa réjouissante "Méthode", nouvelle où l'humour, très noir mais allègre, se met au service d'une justice immanente.

Une autre femme, Patt Morrisson, est également aux commandes de l'excellent "90210, Morocco Junction", dont l'action se situe dans le milieu huppé du "Vieux Berverley Hills" et nous révèle au passage des misères morales qui n'ont pas grand chose à envier à celles des quartiers plus humbles. "Passée la trentaine" que l'on doit au fils d'Ann Rice, Christopher, fait une incursion sanglante dans le milieu homosexuel de la Cité des Anges et, bien que relativement courte, fait preuve d'une rare intensité dans l'analyse des caractères.

Autre "grande" nouvelle (pour moi, en tous cas ) : "Lazare à Hollywwod" d'Héctor Tobar. Réalisme, maîtrise du scénario, vérité des personnages, tout dans ce texte rappelle les meilleurs moments de séries comme "NYPD Blue" ou "The Shield." Ce penchant pour l'étude de moeurs, on le retrouve aussi dans la nouvelle suivante, "The Golden Gopher" de Susan Straight. "La Clochette" par contre, que l'on m'en excuse, appartient pour moi plus aux histoires insolites qu'aux nouvelles noires. L'auteur en est Jim Pascoe. Idem pour "City of Commerce" de Neal Pollack et "La Partie de Pêche d'Ivan Denissovitch" de Lienna Silver. En revanche, "Roger Crumbler", de Gary Phillips, renoue avec le polar - et aussi avec l'humour noir.

De la quatrième et dernière partie, je conserverai le souvenir d'"Apparences", nouvelle ultime du recueil - un modèle du genre signé Diana Wagman. Mais les trois autres, Celle qui avait embrassé Columbo", de Scott Phillips, "Liens de Sang", de Brian Ascalon Roley et enfin "When the Ship Comes in", de Robert Ferrigno, m'ont paru tissées de clichés et d'effets gratuits.

Je n'en recommande pas moins aux amateurs l'anthologie proposée par Denise Hamilton : c'est tout de même un bel hommage au polar et au roman noir. ;o)

vendredi, août 29 2008

Mort d'un Pantin - Caroline Graham

Jaquette non répertoriée

Death of a Hollow Man Traduction : Thierry Sandaldjian

Je dois être devenue accro à l'univers de Caroline Graham : c'est en effet la première fois que je vois réunis autant de machiavélisme et de cadavres dans un petit village anglais - petit village qui change cependant selon les romans, bien sûr. Graham, c'est de l'Agatha Christie avec une pointe de Thomas Harris sauce anglaise. ;o)

"Mort d'un Pantin" est le deuxième opus des aventures de l'inspecteur Barnaby et de son assistant, le sergent Troy, rouquin machiste de la plus belle eau. Pourtant, quand débute le roman, Barnaby est en vacances et regarde sa femme, Joyce, s'activer pour la troupe de comédiens amateurs où elle assume à la fois la responsabilité d'un petit rôle et celle de la confection des costumes.

Au programme de la troupe Latimer, cette fois-ci : "Amadeus", de Peter Shaffer, où l'on voit Salieri se trancher la gorge face au public. Le rôle est tenu par Esslyn Carmichael, expert-comptable de son état et comédien amateur lors de ses loisirs. Carmichael a divorcé de Rosa pour se remarier avec une jeunette de ving ans moins jeune que lui et qu'il a mise enceinte : la blonde et sensuelle Kitty. C'est un homme autoritaire, coureur et volontiers cabotin. Mais, sur scène, il possède une aura indéniable et une technique quasi parfaite.

Il commence pourtant à se faire du souci carb la troupe accueille depuis peu le jeune Nicholas Bradley/b, dont l'ambition est de rejoindre un jour la Royal Shakespeare Company à Londres.

Crainte bien vaine car le metteur en scène, Harold Winstanley, tient à son "grand premier rôle." Drôle de cabot, lui aussi, cet Harold : méprisant, "se la jouant", prêt à piquer toutes les bonnes idées de son assistante, la timide Deirdre Tibbs, ou encore celles du responsable des éclairages : Tim Young, bisexuel vivant en couple avec Avery Phillips, le décorateur.

Dans un climat de tensions assez prononcées, arrive le jour de la première. Pourquoi les jumeaux Everard choisissent-ils ce moment pour révéler à Carmichael que sa femme a une liaison ? ... Par pur amusement, sans doute car ces deux-là brillent par leur malveillance. Qui pis est, Esslyn s'imagine à tort que son rival n'est autre que Nicholas et tente de lui faire un mauvais parti alors que tous deux se trouvent seuls en scène.

Tentative qu'il ne réitérera pas car, lors de la fameuse scène de la mort de Salieri, ble rasoir devant faire illusion a été débarrassé du scotch qui le rendait inoffensif ...

Un roman quatre étoiles, croyez-moi. ;o)

vendredi, juillet 18 2008

L'Evangile du Bourreau - Gueorgui & Arkadi Alexandrovitch Vaïner

_Evanguelie ot Palatcha__ --Traduction : Pierre Léon__

Bon, je n'irai pas par quatre chemins : si les USA ont Ellroy, la Russie, elle, possède les frères Vaïner. Et croyez-moi, j'assume pleinement ce que j'écris.

Tout d'abord, un narrateur qu'on n'est pas près d'oublier tant il symbolise toute l'horreur - et toute l'ambiguïté - du Mal : Pavel Egorovitch Khvatkine. En toile de fond, l'URSS de Staline et une analyse politique et morale qui trouve le moyen de tenir le lecteur en haleine pendant sept-cent-soixante-dix pages en Folio Poche. Et par là-dessus, ingrédient suprême, ce souffle, cette ampleur,cette folie qui n'appartiennent qu'à la littérature russe.

Au début, je redoutais un peu que, en raison de leurs origines juives, les frères Vaïner ne suivissent la mode universelle actuelle : à savoir se poser en juges d'un peuple et culpabiliser celui-ci à outrance. iMea maxima culpa /i: pas plus qu'ils ne veulent renoncer à leur judéité, les deux romanciers n'entendent renier leur héritage russe. Les frères Vaïner sont juifs ET russes ou russes ET juifs, l'ordre importe peu : le "ET" par contre est essentiel.

Certes, ils ont choisi de démonter l'affaire des Blouses blanches, à laquelle seule mit fin la mort (l'assassinat ?) de Staline. Ils le font d'ailleurs avec une virtuosité, une maîtrise ! ... L'autre jour, à propos de "L'Historienne et Drakula", j'évoquais la difficulté, pour un auteur, de dominer la pratique du "retour en arrière" et du récit parallèle. J'ajouterai que Mme Kostova pourrait demander des leçons aux frères Vaïner : ce qu'ils font, c'est du grand, du très grand art !

Pour vous aider à vous repérer (un peu) dans cette épopée noircissime, en voici la trame centrale :

Devenu un honnête professeur de Droit rangé des voitures sous Brejnev, l'ancien lieutenant-colonel du MGB, Pavel Egorovitch Khvatine, qui fut la "tête pensante" du montage de l'affaire des Blouses blanches, se voit, un soir de beuverie, rattrapé par son passé. Un individu démoniaque - il m'a fait penser au "Maître et Marguerite" de Boulgakov - l'interpelle en lui disant qu'il est "le Machiniste, le gardien des fourneaux de l'Enfer" et qu'il vient lui réclamer des comptes.

Forcément, notre Pavel Egorovitch, qui est pourtant doté d'une nature tout à fait exceptionnelle de professionnel de l'assassinat, est un peu ébranlé. Et, entre deux bouteilles de vodka, les souvenirs reviennent : la Loubianka et ses bureaux, le knout, les tortures, les huiles du parti, le doute et la suspicion incessants, même et d'abord chez les bourreaux, l'ombre éternellement planante du Saint-Patron, l'amour de Pavel pour Rimma, la fille d'un scientifique juif arrêté pour complot, la naissance de leur fille, Maïka, la haine que celle-ci a développée envers son père - il aime tant à être haï, Pavel Egorovitch ... - et maintenant ce Magnus Truc-Machin-Chouette, ce Juif-Allemand de l'Ouest qui veut épouser Maïka et qui vient aussi réclamer des comptes pour un obscur rabbin jadis assassiné à la Loubianka - "comme tant d'autres", fait remarquer Pavel Egorovitch qui a, au début, bien du mal, à se rappeler cette silhouette-là ...

Depuis Ellroy, je le répète, je n'avais pas vu, dans le genre polar socio-politique, une telle réussite. C'est noir, mais d'un noir somptueux, l'intrigue est encore complexifiée par les retours en arrière mais c'est si bien construit que le lecteur ne s'y perd pas un seul instant, la leçon d'Histoire est superbe et sa conclusion, d'une humanité et d'un cynisme qui suffiraient à prouver, s'il en était encore besoin, l'intelligence aiguë de ses créateurs, l'humour est cruel, noirissime, russe, la chute, on n'en voudrait pas d'autre ... Quant à Pavel Egorovitch ...

... Il entre de plein pied au Panthéon des Affreux du Polar - et de la Littérature. Beau et en même temps répugnant, implacable et pourtant capable - une seule fois mais tout de même - d'un geste qui aurait pu lui coûter sa carrière et sa vie (un geste qu'il n'explique pas d'ailleurs et dont il ne parlera jamais à la principale intéressée dans l'affaire), ange déchu et serpent, Pavel Egorovitch charme et épouvante le lecteur.

Est-il le Mal absolu ? Laissons lui les (presque) derniers mots de l'histoire :

... ... Avant même que les cartes fussent distribuées, j'avais déjà tous les atouts en main. Parce que je serai toujours utile à quelqu'un. Aux communistes, aux capitalistes, aux antisémites, aux sionistes. Au KGB, à la CIA, aux Etats-Unis, à l'URSS, hier comme demain.

Un grand roman, je vous dis ! ;o)

mardi, juillet 15 2008

Meurtres à Badger's Drift - Caroline Graham

The Killings of Badger's Drift Traduction : Silvia Sueli Milanezi

Née le 17 juillet 1931 dans le Warwickshire, Caroline Graham appartient à l'espèce des romancières anglaises pures et dures, de celles qui nous ont concocté et nous concoctent toujours de solides intrigues poliicières, plus ou moins sanglantes selon la génération à laquelle elles appartiennent.

De cette romancière, créatrice de la fameuse série "Inspecteur Barnaby", je dirai que, en partant d'une recette basique, le petit village anglais si cher à Agatha Christie et à Patricia Wentworth, elle a créé un plat savoureux, riche en meurtres plus sanglants que chez ses illustres aînées.

Autre ingrédient de choix - qui n'apparaît pas dans les épisodes de la série, plus modérés : un ou deux personnages qui, sans tenir le rôle du meurtrier, se révèlent singulièrement déplaisants et presque iborderline/i. Ce délire glauque, cette méchanceté sadique, ni Christie, ni Wentworth n'y auraient songé. Graham, elle, s'en sert pour conférer une touche d'authenticité supplémentaire à ses intrigues.

Ainsi, dans "Meurtres à ..." qui constitue d'ailleurs le premier roman des aventures de Barnaby, c'est à Mrs Rainbird et à son fils, Dennis, que revient cet honneur douteux mais nécessaire. Tout ce que leur relation comporte de malsain est peu à peu révélé à un lecteur de plus en plus mal à l'aise, avant de culminer dans une fin de chapitre - celle du quatrième - qui ne laisse plus aucun doute à l'imagination.

De toutes façons, les crimes qui donnent son titre au roman sont tous en relation avec des sentiments singulièrement glauques. Aussi, pour ne pas vous révéler ce qui les motive, ne vous donnerai-je que le tout début de l'intrigue.

Emily Simpson, une paisible vieille demoiselle, ancienne institutrice à Badger's Drift, est retrouvée morte dans sa cuisine. Le médecin du coin signe le permis d'inhumer sans se poser trop de questions. Mais la meilleure amie de la disparue, Miss Bellringer, décide de faire part de ses soupçons au poste de police de la ville voisine. L'enquête, menée par l'Inspecteur Barnaby et le sergent Troy, est lancée.

Elle s'achèvera trois cents pages plus loin, sans que le lecteur se soit ennuyé un seul instant. Peut-être le puriste jugera-t-il certaines ficelles un peu grosses ou convenues mais après tout, nous sommes en vacances et un bon policier qui ne casse pas trop la tête et possède un style convenable et une atmosphère trouble, toute suintante de méchanceté rentrée, est idéal pour cette période de l'année. ;o)

dimanche, juin 1 2008

Le Rêve des Chevaux Brisés - William Bayer

The Dream of the Broken Horses Traduction : Gérard de Chergé

Tout apprenti-romancier devrait lire ce livre qui, par la rigueur de sa construction et la profondeur de ses analyses des personnages et des situations, atteint pratiquement à la perfection, une perfection que, jusqu'ici et dans le genre "polar", je n'ai rencontrée que chez Ellroy ou Lehane.

Si l'on excepte le flou qui entoure jusqu'à la fin le destin tragique de la petite Belle Fulraine, rien, dans ce livre, ne laisse à son lecteur une impression d'inachevé. (Encore peut-on penser que ce flou fait écho à l'épouvantable incertitude qui est trop souvent le lot des parents dont les enfants ont été enlevés et qui ne reparaissent jamais.) Tous les détails ont été peaufinés avec des tendresses d'horloger travaillant à une machine infernale. Les contradictions des caractères sont exposées, puis démontées et remontées avec une passion d'entomologiste. Enfin, contrairement à ce qu'il arrive trop souvent dans ce genre d'intrigue, la fin ne déçoit pas et les mobiles du meurtrier restent crédibles.

Avec tout cela, il ne faut pas s'étonner si l'ambiance de cette tranquille petite ville du Midwest, avec ses notables et ses moins notables, leurs secrets, leurs réussites et leurs échecs, est formidablement rendue. En prime, toute une palanquée de personnages dits "secondaires" qui auraient fait merveille dans l'un des grands films noirs des années quarante. Sans doute était-ce l'un des buts recherchés par Bayer puisque lui-même établit des parallèles entre le bar où se déroulent un bon nombre de scènes - l'omniprésent Chez Waldo - et le club dirigé par Bogart dans Casablanca (Chez Rick, si mes souvenirs sont exacts.)

Mention toute spéciale au personnage du psy qui tente de soigner Barbara et qui, peu à peu, grisé par l'idée qu'il tient un cas digne de "L'homme aux loups" de Freud, va dériver complètement.

Et puis, quelle maîtrise des flash-backs ! ...

L'intrigue déroule ses spirales empoisonnées autour du meurtre de Barbara Fulraine, épouse en instance de divorce du magnat des aciéries locales, et de son amant, Tom Jessup, qui était l'un des professeurs de leurs deux garçons, Mark et Robin. Les deux amants ont été criblés de balles, dans la chambre 101 d'un hôtel miteux local. Au-dehors, l'après-midi était splendide et chaud.

David Weiss, qui n'est autre que le fils de l'ancien psychanalyste de Barbara, a l'occasion de revenir sur les lieux en qualité d'illustrateur pour un procès à huis-clos, le procès Forrest. Et, fatalement, tout cela remue pas mal de souvenirs en lui, d'autant que son père s'est suicidé peu après l'affaire Fulraine qui, vous vous en doutez, n'a jamais été résolue.

Décidé à obtenir au moins quelques réponses, même s'il doit pour cela remuer la boue, Weiss s'enfonce dans sa propre enquête ...

Le reste, je ne vous le raconterai pas. Procurez-vous "Le Rêve des Chevaux Brisés" et venez nous dire ici si vous partagez mon enthousiasme - ce que je vous souhaite. Et merci à Gémini, de Nota Bene, qui m'a suggéré cette lecture. ;o)

L'Affaire Jane Eyre - Jasper Fforde

The Eyre Affair Traduction : Roxane Azimi

Avant de commencer, j'ai creusé mes tranchées et vérifié mes paratonnerres. Il le fallait, vu l'engouement suscité d'ordinaire par ce livre ... qui m'a laissée de marbre. ;o<

Pourtant, au départ, il avait tout pour me plaire. L'action se déroule dans un monde où la littérature est traitée avec le plus grand respect, le niveau culturel est particulièrement élevé, les personnages des livres peuvent en sortir ou se voir enlevés de leurs pages bien-aimées par de sinistres individus qui rappellent beaucoup les "maîtres du Mal" chers au roman populaire, des brigades policières s'occupent personnellement de tout ce qui risque de nuire aux livres et à leurs univers, de surcroît, Fforde a choisi le vaste champ de l'uchronie pour faire évoluer son intrigue. Ajoutez à cela qu'on y croise vampires et loups-garous, donc : beaucoup de plaisir en perspective.

Ben oui, mais ça n'a pas accroché.

Tout d'abord, j'ai trouvé l'héroïne, Thursday Next, d'une froideur et d'un sérieux insupportables. D'accord, elle a fait la guerre de Crimée - dans ce monde particulier, ce conflit dure depuis plus d'un siècle et il y a encore un tsar en Russie - elle y a perdu son frère et ses amis mais ... Impossible de compatir.

Les autres personnages sont du même tonneau: on dirait des poupées vides. Le seul qui pourrait tirer son épingle du jeu, c'est le père de Thursday qui est en bisbille avec les Brigades temporelles et qui apparaît et disparaît avec une rapidité et une désinvolture qui rappellent la famille de sorciers de Samantha dans la célèbre série télévisée. C'est d'ailleurs là que le bât blesse car Fforde abuse de cet aspect "entrevues-éclair."

Le Méchant, Achéron Styx, a, comme vous pouvez vous en rendre compte, un nom prometteur. Mais c'est une caricature, qui pis est sans profondeur.

Bref, Jasper Fforde a pris un sacré nombre d'ingrédients pour monter sa mayonnaise. Mais, en tout, l'excès est nuisible et il a oublié qu'il faut une grande maîtrise pour manier autant d'éléments. L'écrivain a beaucoup d'imagination mais tout reste plat, désespérément plat - et le style sec de l'ensemble n'arrange rien.

Mon reproche principal portera sur l'humour*. Il fait désespérément défaut à l'ouvrage. Ce qui est d'autant plus malheureux qu'il aurait pu faire passer beaucoup de choses, et sans doute effacé tout ce que les personnages ont de guindé. Thursday ne se lâche jamais, ses compères non plus, ce mélange de policier et de conte fantastique assaisonné de S.F. a tout du tigre de papier.

Et, bien entendu, on ne peut s'empêcher de songer à ce que Terry Pratchett a fait avec son Disque-Monde. Car c'est bien le même principe. Mais chez Fforde, tout est brouillon et lourd tandis que Pratchett, royal, s'envole. ;o)

  • : j'ai lu çà et là, dans les blogs, que d'autres avaient beaucoup ri ... Comme quoi ... De toutes façons, il faut de tout pour faire un monde. ;o)

vendredi, mai 16 2008

Les Courriers de la Mort - Pierre Magnan

Depuis "Le Sang des Atrides", Pierre Magnan développe une oeuvre régionaliste, dans la lignée - mais en beaucoup plus sombre - de Charles Exbrayat. La majeure partie de ses romans, surtout ceux qui ont pour héros le commissaire Laviolette et le juge Chabrand, se déroulent dans la région de Digne et donnent au lecteur l'occasion de découvrir les paysages et la culture des Alpes de Haute-Provence.

Magnan, c'est d'abord un style, riche, plantureux - parfois un peu trop ;o) - résolument littéraire, qui mêle avec adresse la noirceur et l'humour.Romancier-né, il a à coeur de fouiller ses personnages et, tel un Chabrol qui aurait choisi la plume au lieu de la caméra, il aime à sonder les vieilles histoires de famille au coeur de la province profonde.

Une autre caractéristique de cet auteur, c'est le climat étrange, décalé, limite fantastique, qu'il sait créer. Et le plus bizarre, c'est que ce fantastique n'a rien de méditerranéen : enfin, moi, en tous cas, il m'évoque toujours les brumes du Nord.

"Les Courriers de la Mort" se situe dans la région dignoise. Tout commence dans le cimetière d'un petit village où un autochtone qui a obtenu l'autorisation de creuser sa tombe personnelle pourvu qu'il s'occupe en parallèle de veiller sur le bien-être de ses futurs voisins voit un jour une lettre tomber dans la boîte accolée - pour des raisons que Magnan n'explique d'ailleurs pas - à la grille du cimetière. Chez notre fossoyeur, la curiosité prend vite le dessus sur l'espèce de malaise qu'il avait ressenti à entendre du bruit du côté de la fameuse boîte. Il regarde l'adresse - une habitante de Digne - et puis, après un moment d'hésitation, il court à la poste et expédie le courrier, après l'avoir timbré.

Or, la destinataire du courrier finit très vite, assassinée sous l'oeil du lecteur par une silhouette lourdaude au masque étrange ...

Le meurtrier use d'un procédé similaire à celui déjà employé par son homologue dans "Le Sang des Atrides" et on peut le reprocher à l'auteur. Mais, pour peu qu'il accepte de jouer le début dès le premier chapitre, le lecteur retrouve avec plaisir Chabrand et Laviolette (désormais en retraite auprès de ses chats errants), aux prises avec un meurtrier retors et déterminé.

Toutefois, si vous ne connaissez encore ni l'un, ni l'autre, préférez "Le Sang des Atrides" ou encore "Le Tombeau d'Hélios.";o)

vendredi, avril 25 2008

Avant le Gel - Henning Mankell (Suède)

Innan Frosten Traduction : Anna Gibson

Avez-vous vu un passionné s'attaquer à l'un de ces puzzles monumentaux qui en désespèrent plus d'un ? Eh ! bien, quand on lit "Avant le Gel", on se dit que, pour l'écrire, Henning Mankell a dû procéder de manière similaire. C'est dire qu'une lenteur quasi jubilatoire et l'amour de la précision ont présidé à la rédaction de ce livre.

Le prologue nous dépeint la fuite du seul survivant de la secte fondée - et exterminée - par Jim Jones au Guyana. C'est assez court mais l'exaltation religieuse désespérée qui anime le personnage vous met d'emblée mal à l'aise.

Puis on se retrouve en Suède, plus précisément en Scanie, région élue par Mankell, dans la ville de Malmö, où Linda, la fille de Kurt Wallander, s'apprête à rejoindre son affectation, dans le même commissariat que son père. Ayant, semble-t-il, définitivement rompu les ponts avec sa mère, Mona, désormais remariée et qui sombre dans l'alcool, la jeune femme, en attente d'un logement valable, vit pour l'instant chez son père. Ce qui n'est pas toujours facile, pour l'un comme pour l'autre, bien que - ou parce que - ces deux-là se ressemblent en fait terriblement.

Toujours fidèle à lui-même, Wallander s'inquiète d'un appel reçu au commissariat et qui signalait des cygnes en feu sur le lac voisin. Pour lui - comme pour toute personne sensée - s'attaquer à des animaux qui n'ont strictement rien fait suppose qu'on peut passer à la vitesse supérieure, et s'attaquer à l'Homme.

De son côté, Linda, qui tourne un peu en rond dans l'attente de prendre ses marques définitives, s'inquiète de la disparition apparente de l'une de ses anciennes camarades de classe, dont elle était demeurée proche, Anna Westin. La dernière fois qu'elles s'étaient parlé, quelques jours plus tôt, Anna lui avait dit avoir croisé son père près d'un hôtel. Or, Erik Westin avait abandonné femme et enfant alors qu'Anna n'avait que cinq ou six ans.

Il est difficile de définir l'atmosphère de ce roman : à la fois étouffante et intemporelle, cotonneuse et onirique, balisée de détails très précis et en même temps très floue, en tous cas angoissante. La tension monte lentement, avec une détermination tranquille, et ce cheminement est ponctué de nouveaux animaux sacrifiés par le feu et de quelques cadavres de femmes.

Même si Mankell achève son roman sur une note d'espoir, on retrouve ici un peu de la tristesse et du désespoir écoeuré qui tissaient la toile des "Morts de la Saint-Jean." Bref, c'est du "grand" Mankell. Je le déconseillerai toutefois à ceux qui n'apprécient guère les longueurs dans les polars. En outre, si l'on veut vraiment chercher des poux à l'auteur, il y a, çà et là, quelques petites imprécisions - oui, malgré tout - et l'ambiguïté avec laquelle il considère le fanatisme religieux - en fait, on ne sait jamais s'il le tient, réellement ou non, pour une folie - peut laisser certains sur leur faim.

Mais moi, j'ai vraiment aimé. ;o)

La Voix - Arnaldur Indridason (Islande)

Röddin Traduction

Alors que, dans la bonne ville de Reykjavik, tout le monde attend le réveillon de Noël pendant lequel les plus chanceux - et les plus traditionnalistes - se cuisineront du mouton fumé, un drame éclate dans l'un des meilleurs hôtels du cru. Le portier de l'endroit qui, chaque année, tenait le rôle du Père Noël pour les enfants des clients, est retrouvé poignardé dans l'espèce de cagibi qu'il occupait au sous-sol. Le plus choquant, c'est qu'on la retrouvé assis sur son lit, à moitié nu, un préservatif (vide) sur le sexe. Seul, le bas du corps était dénudé : pour le reste, le portier arborait sa tenue de Père Noël.

Bien que leur métier leur en ait déjà fait voir, selon l'expression familière, des vertes et des pas mûres, Erlendur, Sigurdur et Elinborg restent assez perplexes devant le spectacle. Elinborg est déjà très secouée par une affaire extérieure - une histoire d'enfant probablement maltraité par son père - qui va bientôt passer en jugement. Sigurdur se demande s'il a bien fait de se marier et Erlendur est de nouveau en bisbille avec sa fille, Eva Lind.

De fil en aiguille, Erlendur, qui prend une chambre à l'hôtel pour mieux étudier le problème, va apprendre que l'ancien portier avait été, avant sa puberté, la plus belle voix d'Islande mais que, selon toute vraisemblance, cette carrière lui avait été imposée par un père décidé à vivre par procuration la célébrité dont lui-même n'avait pu jouir en son temps.

Un roman de neige et de mélancolie, un roman dédié à l'enfance volée et à la vie d'adulte gâchée que cela engendre trop souvent. Peu à peu, avec une maîtrise remarquable, Indridason développe son propre style et une atmosphère très particulière que le lecteur a plaisir à retrouver au fil de ses romans. ;o)

jeudi, avril 24 2008

La Femme en Vert - Arnaldur Indridason (Islande)

Graforpögn Traduction : Eric Boury

Ici, c'est par un bout d'os, mâchonné par un bébé lors d'une fête anniversaire donnée en l'honneur de son frère aîné, que débute l'histoire. Le fait serait peut-être passé inaperçu si un jeune étudiant en médecine n'avait accompagné son propre petit frère à cette fête. Etonné par la forme de l'objet, il le prend au bébé et, aussitôt, ses soupçons se confirment : il s'agit d'un morceau de côte, prélevée sur un squelette humain.

Il s'avère que l'os a été découvert sur un chantier voisin par le frère du bébé. L'enfant l'a ensuite laissé traîner et le bébé, qui faisait ses dents, l'a récupéré.

Prévenue, la police de Reykjavik délègue sur les lieux notre trio habituel : Erlendur Sveinsson, Sigurdur Oli et Elinborg. Or, les premières fouilles révèlent que l'individu qui gît là depuis on ne sait combien de temps était encore en vie lorsqu'il fut enterré ...

En parallèle de l'enquête policière, Indridason intercale des chapitres qui nous content l'histoire d'une enfant trouvée - à quelle date, on l'ignore pendant la plus grande partie du roman - qui, devenue jeune fille, joue de malchance en se retrouvant enceinte d'un marin par la suite porté disparu. Elle croit trouver un foyer pour elle-même et sa petite-fille, Mikkelina, lorsqu'elle épouse un ouvrier en apparence très solide et que le lecteur ne connaîtra que sous le nom de "Grimur", mais la malheureuse se trompe lourdement et, pour elle comme pour sa fille et les deux enfants qu'elle aura de cet homme, l'existence tiendra plus du cauchemar ...

Le rythme est toujours aussi soutenu, mais sans précipitation et Indridason déroule avec naturel les méandres d'une histoire plutôt complexe. J'insiste sur le mot : naturel. Il est rare d'en découvrir autant dans un roman, policier ou non. Et l'on se dit que, pour atteindre à un tel résultat, l'auteur a dû bigrement travailler son texte. D'autant que rien, aucun détail, aucun développement, ne semble avoir été laissé au hasard.

Quant aux personnages, ils sont tous à l'image de l'intrigue. Mention spéciale peut-être à Grimur, dont on ne saura jamais pourquoi ni comment il était devenu un monstre. On le hait et en même temps, surtout au final, on le plaint. Le tout sans tomber dans le mélo.

Arnaldur Indridason est vraiment un sacré bon romancier. ;o)

mercredi, avril 16 2008

Danse avec l'Ange - Ake Edvardson (Suède)

Dans med en ängel Traduction : Anna Gibson

Le thème de ce roman policier se veut extrêmement alléchant : un jeune Suédois est assassiné, de manière particulièrement sadique, dans sa chambre d'hôtel. Les voisins n'ont rien entendu, n'ont rien vu. Pourtant, il y a du sang partout et, selon les indications relevées, il y a gros à parier que le ou les assassins ont filmé la scène.

Peu de temps après, un jeune Anglais est assassiné dans les mêmes conditions, mais à Goteborg, la ville où travaille le commissaire Erik Winter.

Evidemment, tout le monde - à commencer par le lecteur - se pose des questions : les deux jeunes gens se connaissaient-ils ? étaient-ils homosexuels ? pourquoi leur agonie a-t-elle été filmée ? etc, etc ...

Pendant ce temps, l'enquête débute et prend sa vitesse de croisière. Nous suivons les démélés téléphoniques de Winter avec sa mère (heureusement exilée à Marbella) ainsi que ses amours discrètes avec sa maîtresse - qui est aussi médecin. On le suit même à Londres où il rencontre son homologue britannique, Mc Donald.

Se produit un nouveau crime - mais, pour être franche, je ne me rappelle plus si c'est en Angleterre ou en Suède mais croyez-moi, au finish, ça n'a aucune importance ! ;o)

Au bout de 420 pages environ, arrive la fin - une fin improbable qui implique le meilleur ami de Winter (ils allaient au lycée ensemble). Il aurait monté toute l'affaire pour prouver à Winter qu'il était plus intelligent que lui. Pour des raisons inexpliquées, il "assassinait" de concert avec un second type (qui ne connaît pas Winter). Voilà, voilà. Ah ! oui ! S'il filmait, c'était sans doute pour prouver ses dires à Winter. Du moins, le lecteur en est-il réduit à le supposer parce qu'il n'aura pas vraiment d'explication là-dessus.

Bref, pour moi, "Danse avec l'Ange" constitue une magnifique promenade en bateau avec, de temps à autre, un ou deux petits arrêts - très soft - dans les milieux des peep-showsanglais et suédois. Dommage que ce soit le lecteur qui paie l'addition ... ;o)

La Cité des Jarres - Arnaldur Indridason (Islande)

Myrin Traduction : Eric Boury

Reykjavik, 2001 : le corps d'un septuagénaire, au crâne défoncé par les coups portés avec un lourd cendrier en grès, est retrouvé dans un appartement du quartier de Nordumyri. Aux côtés du corps, une feuille de papier et trois mots : "Je suis LUI."

Pour l'inspecteur Erlendur Sveinsson et son équipe, le mystère est complet. Pourtant, très vite, tout se décante et, avant toute chose, la personnalité du défunt.

Pas très sympathique - et même carrément ignoble - ce Holberg. Le disque dur de son ordinateur est plein à craquer d'enregistrements de films pornographiques particulièrement "hard" et l'on découvre bientôt que l'homme était un violeur patenté, doué d'une chance telle qu'il ne s'est jamais fait coincer.

Lentement, se fiant souvent à son instinct, Erlendur reconstitue l'ensemble de la toile qui révèle peu à peu des personnages secondaires comme Kolbrun, l'une des victimes de Holberg, et la petite fille, Audur, qui naquit de ce viol et qui mourut à quatre ans, d'une tumeur au cerveau. L'intrigue est parfaite, menée sans un seul temps mort même si l'inspecteur prend le temps de s'occuper çà et là des frasques de sa propre fille, Eva Lind. Les personnages tiennent la route mais ce sont les femmes qui, ici, ont la part belle et cette constatation incite le lecteur - et certainement la lectrice - à s'interroger sur le statut de la femme en Islande.

Rien à voir, il faut le préciser, avec l'ambiance, pessimiste et quasi sans espoir, que l'on rencontre dans le roman suédois avec, par exemple, Sjöwall & Malhöö ou encore, plus proche de nous, Menkell. Rien à voir non plus avec l'évanescence de leur compatriote, Ake Davidson. En Islande - et les lecteurs de Läxness n'en seront pas surpris - il fait peut-être nuit la moitié de l'année, il y a trop de neige et la violence prospère comme elle prospère partout sur notre planète mais pas question de courber l'échine : on continue d'avancer.

Arnaldur Indridason : un auteur à découvrir, si vous ne l'avez déjà fait - et à recommander ! ;o)

lundi, avril 14 2008

Les Fantômes du Palace - Martha Grimes

Belle Ruin Traduction : Philippe Safavi

Dans ce roman, c'est une jeune détective amateur, Emma Graham, douze ans, que met en scène Martha Grimes. Et, je l'écris comme je le pense, si l'humour (parfois forcé) reste au rendez-vous, le résultat obtenu est de très loin inférieur aux enquêtes Melrose Plant/Richard Jury.

Il est vrai que l'opinion du lecteur est faussée dès le départ par le fait que l'aventure précédente d'Emma joue un rôle - et même un très grand rôle - dans ces "Fantômes du Palace" et que, pour une raison que je ne m'explique pas, ni l'auteur (apparemment), ni l'éditeur (c'est certain) n'ont jamais présenté ce livre comme tributaire du précédent.

Du coup, que se passe-t-il ? Eh ! bien, le lecteur a l'impression de ne plus rien comprendre au milieu de tous ces fils, de tous ces noeuds que la petite Emma s'acharne à dénouer avec un certain brio mais dont plus de la moitié conserve tout leur mystère pour le non-initié.

Qui est, par exemple, cette jeune fille inconnue qu'Emma aperçoit toujours là où elle n'a que faire, à laquelle elle prête, tout au long des "Fantômes ...", une identité qui n'est pas la sienne et qui, finalement, a conservé tout son anonymat lorsqu'on referme le livre ? ...

Plus grave - à moins que l'on n'indique clairement que "Les Fantômes du Palace" fait partie d'une série à épisodes : qu'est devenu le bébé enlevé trente ans plus tôt au "Belle Rouen", hôtel tombé en décrépitude depuis lors et qui donne son titre au roman ? A-t-il été véritablement kidnappé par des inconnus ? Ses parents, qui ne pouvaient accepter sa trisomie supposée, l'ont-ils fait disparaître ? Quel rapport enfin tout cela a-t-il avec Ben Queen, héros du roman précédent ? ...

Rien, ABSOLUMENT RIEN, n'est clair et encore moins éclairci dans cette production, très décevante, de Martha Graham. Et ce ne sont pas les auto-congratulations de la très acide Emma Graham - personnage que je n'ai pas franchement trouvé si sympathique que ça avec ses certitudes d'être supérieure au reste de l'humanité - qui arrangent les choses. Pour être sincère, on s'en lasse très vite.

Bref, si j'ai lu "Les Fantômes du Palace" jusqu'au bout, c'est essentiellement parce que j'avais promis d'en faire une fiche. Voilà qui est fait. Maintenant, deux possibilités s'offrent à vous : ou bien vous zappez tout ce qui a un rapport avec Emma Graham, ou bien vous achetez les deux premiers volumes de ses aventures et vous voyez s'il y a une cohérence. ;o)

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