Les Manuscrits Ne Brûlent Pas.

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Alexandrie : Mes Coups de Coeur.

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samedi, mars 31 2007

Jeannot chez les Nazis - Journal d'un Déporté du Travail - Jean Pasquiers.

Il s'agit en gros d'un journal tenu par l'auteur au temps où il était STO en Allemagne. Trois cent-vingt-neuf pages que j'ai dévorées en une seule journée et qui m'ont paru captivantes de bout en bout.

Ce n'est pas le style de l'ouvrage, bien qu'il soit honorable, qui a retenu mon attention mais de la leçon d'Histoire sur le vif qui nous est ici donnée. L'auteur ne cache pas son anglophobie non plus que sa méfiance envers le communisme. Il ne cache pas non plus avoir été volontaire pour le STO mais, ainsi qu'il le fait remarquer non sans malice, pourquoi les communistes, en arrivant au pouvoir après la Seconde guerre mondiale, ont-ils voué ces malheureux aux gémonies puisque celui qui allait devenir leur premier secrétaire, Georges Marchais, en était, lui aussi ?__

Jean Pasquiers n'écrit pas "politiquement correct" et c'est tant mieux. Même si je ne le suis pas quant à son opinion sur De Gaulle, j'avoue que sa vision de cette époque et de ses acteurs va plutôt dans le même sens que celle que je possède, moi qui n'ai pourtant pas traversé ces années-là. Il y a là un désir réel de rompre avec le manichéisme qui plane sur cette période de notre Histoire.

Pasquiers aime l'Allemagne et son peuple, non le Nazisme. Il n'a aucune sympathie pour le stalinisme et s'il expose l'ambiguïté du terme "Résistance", il n'hésite pas à railler férocement le fait que, en dépit du pacte germano-soviétique, c'est le PCF français qui a tiré son épingle du jeu en 1945, loin devant un De Gaulle qui, de toutes façons, allait bientôt se retirer pour 10 ans. Il n'aime pas non plus les volontés guerrières des dictateurs qui sacrifient l'innocent pour satisfaire leurs ambitions. Il y a quelque chose d'impitoyable dans cette lucidité mais cela fait l'effet d'une bonne douche.

Dans son ouvrage, se succède toute une ribambelle de personnages agaçants, émouvants, étonnants mais toujours authentiques. Ajoutez à cela que, du point de vue du rapport des événements historiques, sa démonstration est précise à souhait et vous aurez une idée de l'ensemble.

Je trouve cependant - personnellement - que le titre "STO : Journal d'un déporté du Travail" conviendrait mieux. Essentiellement parce que, en lisant "Jeannot chez les Nazis" comme titre, certains s'imagineront qu'il s'agit encore d'une énième resucée du combat Bons-Mauvais de la Seconde guerre mondiale. Quant à la couverture, inspirée d'une affiche de propagande nazie en faveur du STO, elle est superbe.

A télécharger sur Alexandrie.

jeudi, mars 29 2007

A Quoi Bon ? - Christine Notti

Deux nouvelles, rien que deux. Mais quelle densité, quelle fureur aussi et quel mal-être dans ces deux histoires qui évoquent la destinée de deux femmes.

Qui est la plus noire des deux, du "Grand Méchant Look" ou de "La Femme au Sac en Plastique" ? Difficile de trancher. En tous cas, toutes deux commencent à grimper au nombre des téléchargement sur Alexandrie et la chose n'est pas vraiment étonnante : cela tient à la lourdeur de l'atmosphère qui va de pair avec une maîtrise innée de ce genre de récits.

On en redemande !

A télécharger sur Alexandrie.

(Cet ouvrage fut sélectionné pour le Prix Alexandrie 2007 de la Nouvelle.)

mercredi, mars 28 2007

La Ronde - Elisabeth Aguirre.

C'est un petit bijou, que ce recueil. La première nouvelle, un portrait-charge d'une famille d'enseignants (je signale que l'auteur est née dans un milieu d'enseignants et a orienté sa carrière dans le même sens, ce qui donne encore plus de poids à son ironie) est proprement hilarante mais fera certainement grincer pas mal de dents.

Et cette ironie est presque toujours présente, soit de façon continue, soit par éclats. Je vous recommande tout particulièrement "La Jaspe", une nouvelle que n'aurait pas reniée Colette, celle où une jeune Occidentale tombe amoureuse d'un musulman qui se met en tête de se faire intégriste et se rendra compte trop tard - à la mort de celle qu'il aimait - que la religion ne vaut pas la vie d'un être cher et enfin celle, au parfum de fantastique, où un joueur d'échecs se voit soumis au chantage de l'ordinateur qui joue contre lui.

Si cela vous intéresse, je ne saurais trop vous conseiller de regarder ici. Vous ne le regretterez pas.

(Ce recueil a été sélectionné pour le Prix Alexandrie 2007 de la Nouvelle.)

mardi, mars 27 2007

Virtualodrome - Zlotzky.

En 2022, dans un Paris où la crise économique s'est installée en reine et où les différences entre les pauvres et les riches sont encore plus criantes qu'aujourd'hui, Hamid Dupont-Tcherbatchev, comme tant d'autres, se réfugie dans la magie des mondes virtuels. Non plus ceux que nous ouvrent déjà nos ordinateurs mais ceux où l'être humain a la possibilité, via un petit équipement spécial, de matérialiser par exemple ses rencontres sentimentales et/ou sexuelles.

Mais voilà que, parmi ces nouveaux "websurfers", un assassin semble disposé à semer la panique et la mort. Pour le plaisir ? ou tout cela n'est-il finalement qu'une affaire de gros sous ? ...

De son roman, l'auteur parle comme d'une atmosphère délirante. C'est omettre l'art avec lequel il est parvenu à ancrer son histoire dans une réalité future certes mais tout ce qu'il y a de plus vraisemblable. D'autant qu'il prend la précaution de "nourrir" le passé de ses personnages, de donner à ceux-ci une épaisseur psychologique qui les font ressembler plus à des héros de roman noir qu'aux protagonistes d'un roman d'anticipation.

A part quelques longueurs, notamment sur la fin et une tendance à construire des paragraphes trop compacts, ce roman est une réussite qui mérite de trouver un jour son public. Quant à moi, s'il trouvait déjà un éditeur, je l'achèterais pour le relire avec plaisir et je ne me suis toujours pas consolée qu'il n'ait pas remporté le Prix Alexandrie 2006 bien qu'il eût été retenu dans la Sélection de l'époque.

Aujourd'hui encore, sur Alexandrie, il demeure l'un des ouvrages les plus téléchargés.

Si cela vous intéresse, vous pouvez d'ailleurs y jeter un coup d'oeil.

L'auteur n'a malheureusement pas de site officiel. Vu son talent, c'est fort dommage car une chose est sûre : il est de la trempe des romanciers - des vrais..

L'Ame-Soeur- Mireille Régnault.

La trame de départ est très simple : Julienne, 26 ans, pas laide mais sans éclat et surtout souffrant d'un fort manque de confiance en soi, n'est toujours pas mariée lorsque l'une de ses anciennes condisciples se rappelle à son bon souvenir pour la convier à son propre mariage. Pis : elle n'a même pas de petit ami.

Le coup de fil de son ex-camarade de classe amène la jeune femme à réfléchir sur sa condition et elle décide de prendre le taureau par les cornes. C'est donc son parcours pour découvrir "l'âme soeur" (si tant est que celle-ci existe) que nous décrit ici Mireille Régnault par touches minuscules, patiemment assemblées et peaufinées et avec un sens si aigu du petit détail qui fait mouche qu'on en reste tout ébahi en se demandant comment elle s'y prend.

Des trois réponses que Julienne reçoit à l'annonce qu'elle a passée dans un hebdomadaire local jusqu'à la mère castratrice qui vient à un rendez-vous à la place de son fils, tout reste cohérent et surtout possible. Le lecteur suit, tout d'abord intrigué mais de loin encore, puis il entre dans l'action, il voudrait que Julienne trouve enfin l'oiseau rare. Et un lecteur qui s'investit et un lecteur conquis.

A lire donc, si vous passez sur Alexandrie.

Ou sur le site de l'Auteur :

(En course pour le Prix Alexandrie 2007 de la Nouvelle.)

Petits Contes Yugcibiens - Guy Sembic.

Eh ! bien oui, l'auteur est fait pour le "court" et je ne me suis pas rendue compte de la chose avant d'avoir lu ces "Petits Contes ..." qui se moquent allègrement de tout mais savent pratiquer également l'autodérision, preuve suprême du sens de l'humour chez un artiste.

--Joyeux et amers, ironiques et tendres, ils constituent un vrai petit régal qui nous révèle une face là encore inattendue de l'auteur.__ Tout cela est sans doute moins utopiste et moins généreux que "Les Guignols gris" (par exemple) mais ça pince et ça accroche très profondément. Pour le style, il est plus souple et plus fluide que dans la trilogie mais la patte de Guy Sembic s'y retrouve tout de même.

A lire absolument à moins de vouloir méconnaître Yugcib.

A télécharger sur Alexandrie.

ou sur le site de l'Auteur :

(Cet ouvrage a fait partie de la sélection le Prix Alexandrie 2007 - Catégorie Mixte.)

dimanche, mars 25 2007

Noir A L'Ouest - Pierre-Alain Gasse.

Il s'agit d'un recueil de nouvelles se déroulant toutes en Bretagne et dont la majeure partie sont en effet plutôt noires - à l'exception peut-être de "Luka" qui s'achève sur une note d'espoir.

D'emblée, "Les Amants du Square Thomas Beckett" donnent le ton : comme l'ont chanté les "Rita Mitsuko", "les histoires d'A finissent mal ...", c'est bien connu.

"Le disparu de la rue du Four" se termine aussi très mal pour certains, bien qu'il ne s'agisse là que d'une sordide question d'intérêts et que, du début jusqu'à la fin, l'auteur fasse de son lecteur le complice de l'assassin.

Avec ce "Disparu", j'ai particulièrement apprécié : "La Fille de l'Ankou" - qui flirte avec le fantastique - "La Bêcheuse et la Bêchue" dont la fin est aussi triste qu'inéluctable, "Bouquet Garni" et plus encore "La Prof" qui s'agrémente en prime d'une somptueuse explication de textes. Le tout écrit d'une plume sensible et soignée, non dépourvue d'humour et toute imprégnée de l'atmosphère qui est celle de la Bretagne.

Il serait d'ailleurs intéressant de voir ce que Pierre-Alain Gasse peut nous donner en matière de roman bien qu'il affirme que la nouvelle est le seul terrain valable pour lui. Je l'avoue : je suis preneuse.

A télécharger sur Alexandrie.

et sur le site de l'auteur.

samedi, mars 24 2007

Acide Abîmé - Mathieu Goux.

J'ai eu le plaisir de compter parmi les tous premiers lecteurs d'"Acides abîmés." Et ce qui m'a frappée, d'emblée, ce fut le style particulièrement dense et fourni de son auteur - que les Notabénistes connaissent bien puisqu'il n'est autre que notre ami Mathieu.

Mieux : ce style recouvrait des idées exposées de façon logique et construite. Quand cela se présente à vous, surtout chez un jeune auteur ou encore dans un premier ouvrage, on prend en général le tout ... ou bien on le rejette tout aussi en bloc. En ce qui me concerne, j'ai tout pris et je ne saurais trop recommander ce texte au lecteur, même s'il est nécessaire de disposer de suffisamment de temps pour l'apprécier.

Ce ne sont pas tant les personnages qui priment ici que la description d'une jeunesse, d'un temps qui n'est plus certes (puisque le narrateur se le remémore alors qu'il est sensiblement plus âgé) mais qui, curieusement, pour nous qui sommes encore dans la première décennie du XXIème siècle, est toujours le présent ou alors un passé très proche (le blocage des universités cette année contre le CPE).

Et ce sont aussi - surtout peut-être - les reflexions que cela amène sur la société qui est la nôtre. A lire en paix et à encourager. ;o)

A télécharger sur Alexandrie.

NB : je recommande tout particulièrement la lettre écrite à son examinateur par le candidat non satisfait de sa note. Il y a là-dedans un sens de la dérision qui est assez rare pour être signalé.

(Cet ouvrage a été sélectionné pour le Prix Alexandrie 2007 - Catégorie Mixte.)

Ragnarök - Kasei.

Il s'agit du deuxième roman de l'auteur, lequel n'a que 27 ans. Et il s'agit d'un ouvrage singulièrement captivant bien que, pour dire les choses telles qu'elles sont, Kasei n'ait pas choisi la facilité.

En effet, la réflexion qu'il tente ici sur l'écriture, la lecture et l'Art en général s'appuie sur une magistrale leçon de mythologie scandinave. Or, qui dit mythologie scandinave, dit noms plutôt durs à lire et encore plus à prononcer pour les Latins que nous sommes malgré tout, déjà. Ensuite, pour nombre d'entre nous, la mythologie scandinave n'est qu'une nébuleuse très lointaine.

Pour faire passer la pilule, Kasei utilise un procédé habile : la mise en abîme. Un premier narrateur - dont on ne saura tout qu'à la fin de l'histoire - nous fait rentrer dans les pensées d'un second narrateur qui, lui-même, découvre en même temps que nous l'histoire du "Ragnarök". Or, cette histoire est narrée par deux jeunes gens, et donc à la première personne, tantôt du singulier, tantôt du pluriel. Si l'on compte le chapitre final, nous rencontrerons même un quatrième narrateur. Le tour de force réalisé, c'est que cela ne fait pas lourd du tout.

Ce roman commence avec un homme qui, à la suite d'une soirée bien trop arrosée, se réveille dans son appartement. Entre ses mains, un livre de texture inhabituelle, de couleur rouge, sans nom d'auteur ni nom d'éditeur. Mais le titre, "Ragnarök", donne à notre héros l'envie de s'y plonger - lui qui a renoncé à la lecture depuis longtemps, sous prétexte que, dans la vie, mieux vaut ne pas trop penser si l'on veut vivre sans problème.

Plus cultivé qu'il ne veut bien le laisser paraître, l'univers mythologique scandinave ne lui est pas tout à fait inconnu. La seule chose qui l'étonne, c'est que le roman - mais est-ce bien un roman ? - commence de façon très abrupte, au beau milieu de l'histoire. Intrigué, il continue sa lecture, interrompu comme il se doit par les petits événements qu'il rencontre au quotidien.

Et le lecteur lit avec lui, partageant du coup ses commentaires - souvent non dépourvus d'humour - sur les personnages, sur l'action et aussi sur la construction de l'histoire.

Evidemment, une solution somme toute logique sera donnée à la fin de "Ragnarök." Entretemps, à la réflexion sur l'Art, se seront greffées une réflexion sur les valeurs humaines et aussi une curieuse histoire de mondes parallèles et de voyage dans le temps et l'esprit.

Et voilà pourquoi "Ragnarök" est différent des ouvrages d'héroïc-fantasy et de SF habituels. Il y a là-dedans beaucoup d'originalité et aussi, c'est indiscutable, un travail réel, tant au niveau de la construction qu'à celui du style. Surtout, ne vous laissez pas berner par le langage assez familier du second narrateur - après tout, nous sommes dans ses pensées et puis, il se veut si désespérement "nihiliste" qu'on peut à bon droit le soupçonner de simplifier aussi son langage à l'excès - Kasei est bel et bien un littéraire amoureux du style et aussi un perfectionniste.

Bien qu'il soit en vente sur Amazon, vous pouvez tout aussi bien trouver ce livre en télécharment libre sur Alexandrie et sur le site de l'auteur.

avec en prime des morceaux de sa composition.

("Ragnarök" a été sélectionné pour le Prix Alexandrie 2007 du Roman.)

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