Pour cette rentrée littéraire, d'abord et avant tout l'immanquable Amélie Nothomb de chaque mois de septembre qui, cette année-ci sort en août!

LE FAIT DU PRINCE

LE SUJET: Un homme vole l'identité d'un inconnu. 'Il y a un instant, entre la quinzième et la seizième gorgée de champagne où tout homme est un aristocrate'.

L'EXTRAIT: Quand on est tout petit, on ne parvient pas à garder un secret. C'est une étape de la croissance, comme le fait de devenir propre. Si on y réfléchit, c'est peut-être lié. Dans ces deux domaines,j'ai été tardif. A l'âge de neuf ans,j'ai vécu mon dernier échec dans ce domaine.J'avais bien remarqué mon retard et je voulais prouver que j'avais atteint cette continence. Mes parents me cachaient quelque chose, de peur que je le révèle ...

- page : 99 - éditeur : Albin Michel - date d'édition : 2008 -



INTERVIEW

Le Point : Qui est Baptiste Bordave, le héros du Fait du prince ? Qu'y a-t-il de vous en lui ? A. N. : C'est un imposteur. Suite à un coup du sort ou à un complot, il usurpe une identité et il ne le fait presque pas exprès ; ce qu'il vit est irrésistible et, à sa place, j'aurais fait la même chose. En plus, il usurpe l'identité d'un mort, ce qui est quand même moins grave : un mort n'a plus grand-chose à faire de son identité. Plus sérieusement, je crois que nous sommes tous à des degrés divers, et en particulier les écrivains, des imposteurs. En tout cas, moi, je me sens tout le temps coupable d'imposture et je vis dans la terreur absurde d'être dénoncée. L'absurdité tenant au fait que tout le monde sait que je suis un imposteur, puisque je suis écrivain. Que pourrais-je être d'autre ? Il y a autre chose, peut-être : ce prénom de Baptiste qui s'est imposé. Quand je suis née, mes parents étaient persuadés d'avoir un garçon qu'ils avaient appelé Jean-Baptiste. Pour une fille, ils n'avaient rien prévu. Alors, ils ont pris le premier prénom venu, qui n'était pas Amélie. En fait, ils ont passé leur temps, ma mère surtout, à m'appeler Claude, Colette, n'importe quoi, jusqu'à se centrer sur Amélie. J'aime bien Amélie, c'est mignon, ça fait soubrette, c'est un petit territoire onomastique qui a bien voulu de moi.

Le Point : Dans Le Fait du prince , vous écrivez que "le temps ne doit pas être employé"... A. N. : Parce que je suis contre une conception utilitaire du temps et de la vie en général. Rien ne me choque plus que de voir des écrivains vivre telle ou telle histoire, non dans le but de la vivre, mais dans le but de l'écrire. Bien sûr, il y a une influence inévitable de la vie sur l'écriture, mais le faire exprès, c'est carrément malhonnête, grossier, vulgaire. C'est comme vouloir préméditer une histoire d'amour.

Le Point : Dans Le Fait du prince, votre héros se jette dans des orgies de sommeil et de champagne. S'agit-il de fantasmes personnels ? A. N. : Absolument. Je rêve de dormir et je suis une buveuse de champagne. Mais attention, je ne veux que le meilleur et dans la meilleure compagnie. L'idéal, c'est d'avoir très faim et, même si cela choque les puristes, que le champagne soit très, très froid. On obtient alors un résultat somptueux.

Le Point : Y a-t-il d'autres éléments autobiographiques dans ce livre ? A. N. : Cette pathologie qui, dans l'enfance, m'empêchait de garder un secret et m'a fait devenir, à l'inverse, une championne olympique du secret. Le dégoût des musées dont je sors à peine. La manie d'inventer des notations musicales...

Le Point : La nature est peu présente dans vos livres... A. N. : ... Mais quand elle l'est, elle y prend une place phénoménale. Cela se sent surtout dans mes livres japonais... Rilke a dit cette chose magnifique : "La nature nous donne l'exemple, parce que la nature va toujours au plus difficile." J'y songe beaucoup. Au plus complexe de mes livres, il y a la nature, même si je n'en parle pas expressément. Le film que j'évoque dans Le Fait du prince (NDLR, page 118) existe : au moment de mourir au pôle Nord, une femme a filmé une immensité blanche sans contour. Je l'ai vu au Palais de Tokyo à Paris et il m'a bouleversée. Cette neige, ce blanc... j'ai cette théorie que le papier nous a été enseigné par la neige, que la trace dans la neige est la première écriture. Et puis, il y a la page blanche, l'idée de recommencer une vie...

Le Point : La jaquette de votre livre est une reproduction d'un portrait de vous signé Pierre et Gilles... A. N. : C'est une idée folle et mégalomane que j'ai eue après avoir vu l'exposition du début de l'année au Jeu de Paume. À ces artistes immenses, j'ai eu le front de demander et ils ont consenti. Je dois dire que le résultat me comble : le teint pâle, le sang, l'air de sainte d'un temps nouveau, c'est mieux que moi, mais je me reconnais en elle.

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Quant à la rentrée littéraire voici comment La chronique de Frédéric Beigbeder du magazine LIRE la voit habituellement.....

Primo. La rentrée littéraire est une tradition française absurde, unique au monde, qui consiste à tuer la littérature en publiant en septembre plusieurs centaines de romans dont cinq survivront (estimation optimiste).

Secundo. Cette mascarade est née de l'accumulation de médailles en chocolat distribuées en automne.

Tertio. Elle infantilise les auteurs, encombre les libraires, noie les critiques, déprime les attachées de presse, et c'est Balzac qu'on assassine.

La rentrée littéraire est un cirque utile, voire urgent. Cette avalanche de papier a quelque chose de miraculeux en notre période de disette intellectuelle et de cynisme international. Quel message la France adresse-t-elle au reste du monde en organisant chaque automne cette folie collective? Très simple: éteignez la télé, coupez votre ordinateur, fermez votre iPod et vos consoles de jeux, asseyez-vous et entrez en vous-même, partez en voyage immobile, apprenez à vous connaître, à vous comprendre, peut-être même à vivre. Travaillez moins pour gagner tout.

Et voici le brusque changement d'avis de Frédéric Beigbeder du magazine LIRE à propos de la rentrée littéraire 2008

"A l'abri de ce bouclier solide, je me lance: ce matin, j'adore la rentrée littéraire. Peut-être parce que je n'y suis pas embarqué cette année? Je déborde de gratitude pour toutes ces voix vivantes qui respectent mon cerveau. Pourquoi bouder son plaisir? Des centaines de personnages qui déambulent, des centaines d'arbres, de nuages, de ciels, de tristesses, d'amours déçues, de familles décomposées, de continents perdus, quelle richesse! L'anomalie française doit nous rendre fiers plutôt que grincheux."

Voici ce que Frédéric Beigbeder du magazine LIRE propose comme sélection dans les romans français

-Dans Les pieds dans l'eau (Gallimard, sortie le 25 août), Benoît Duteurtre m'a raconté la vie de son arrière-grand-père René Coty, sur les falaises normandes. En parlant de son enfance (comme Annie Ernaux dans Les années), ce satiriste de l'époque trouve une dimension nouvelle, plus humaine.

-Le roman d'amour de Fabrice Pliskin Le juif et la métisse Flammarion, sorti depuis le 20 août garde le regard précis des précédents sur le monde actuel en y ajoutant une violence charnelle, le lyrisme de la «midlife crisis».

-Avec Où on va, papa?

(Stock, sorti depuis le 20 août)

Jean-Louis Fournier ose l'impossible: faire rire sur un sujet où le rire est interdit (il est le père de deux handicapés mentaux). Tout parent d'enfant - «normal» ou pas - ne pourra qu'être terrassé par un texte aussi douloureusement joyeux. J'ai aussi retrouvé avec jubilation la mélancolie ordinaire de Jean-Paul Dubois Les accommodements raisonnables, L'Olivier, sorti depuis le 21 août,

Le dandysme fantomatique de Jean-Paul Enthoven (Ce que nous avons eu de meilleur, Grasset, sortie le 25 août). Et je ne les ai pas tous reçus: la rumeur dit que Régis Jauffret Lacrimosa Gallimard, sortie le 25 août, a pondu un chef-d'oeuvre de plus, et que Pierre Mérot revient en pleine forme dans Arkansas(Robert Laffont, sortie le 25 août).

Pour les auteurs étrangers je vais jeter un coup d'oeil curieux chez mon libraire habituel pour découvrir:

Le chant du moqueur

William Goyen Gallimard

Le dernier Moghol

William Dalrymple NOIR SUR BLANC

Le cantique de l'apocalypse joyeuse

Arto Paasilinna DENOEL

Comédie de Turin

Michael Krüger SEUIL

Et je terminerai en forme de clin d'œil par une citation d'Oscar Wilde: "Il est absurde de se donner des règles absolues sur ce qu'il faut lire et ce qu'il ne faut pas lire. Plus de la moitié de la culture moderne repose sur ce qu'il ne faut pas lire."

Bonne lecture quand même!!

...................à suivre!