Le conte est construit à partir d'une anecdote d'enfance : le narrateur qui, peu à peu, parvient à apprivoiser une tortue récalcitrante et particulièrement repliée sur elle-même. Le mélange de poésie, de tendresse et de précision zoologique font en partie la réussite de ce texte. Mais qu'est-ce qui produit l'effet principal sur le lecteur, à savoir la magie de ressentir une osmose avec le narrateur et cette tortue, CONTRE l'agressivité des hommes ? Parce ce que nous avons tous ressenti cela : que la communication que l'on peut avoir parfois avec un animal est autrement plus réconfortante et chaleureuse que celle que l'on peut avoir avec un être humain ; peut-être aussi parce que l'on s'identifie à la fragilité de l'animal. En tout cas, cette communication, nous fait comprendre Guy Sembic, est plus réelle dans la mesure où elle se suffit à elle-même, comme par exemple celle entre un homme et un chien ; alors que, dans le commerce avec l'être humain, ce dernier "perçoit la relation non pas comme un être vivant mais comme le vecteur de sa pensée et de ses aspirations, le fil conducteur de son énergie, de son orgueuil, de ses projections entre lui-même et tout ce qu'il veut atteindre". Cette fable est un petit chef-d'oeuvre, dans la mesure où elle nous fait comprendre une triste vérité sur l'homme, non pas en nous édifiant, en nous expliquant, mais à travers l'émotion et le ressenti de chacun d'entre nous.