On entend souvent, dans les émissions littéraires à la télévision, cette question posée aux écrivains d’aujourd’hui : “Qu’est-ce qui vous a inspiré ce livre ?”. Et la réponse est, le plus souvent, du genre : « Eh bien, mon expérience à Femme actuelle fait que je connais les femmes de notre époque. Je raconte dans mon livre l’histoire d’une de ces femmes, qui est un peu moi et surtout tout le monde, notamment ses difficultés avec les hommes ha ! ha ! (rire général et complice dans l’assemblée) ». C’est normal, ces écrivains appartiennent à la jet-set de l’intelligentsia parisienne (c’est-à-dire qu’ils viennent du journalisme, ou encore du cinéma), et qu’ils se mettent à l’écriture pour gagner de l’argent autrement, ou pour renforcer leur statut au sein de cette même intelligentsia. Souvent ces écrivains ont un minimum de style, et un peu d’imagination, suffisamment en tout cas pour pouvoir s’amuser à écrire. D’autres écrivains, plus rares, souhaiteraient sans doute un peu plus de reconnaissance, ou même vivre de leur travail littéraire, mais ils écrivent surtout parce qu’ils ne peuvent pas faire autrement, sous peine de sombrer dans la folie. Ce sont les véritables écrivains. Ceux-là changent la vision que l’on peut avoir de la vie, ils ne font pas que raconter de jolies histoires, ils étalent un peu de leurs tripes à chaque trait de plume, toujours avec une grande cohérence entre chaque texte.

Guy Sembic appartient à cette catégorie.

S’il fallait tenter d’expliquer le talent de Guy Sembic, il faudrait commencer sans doute par son tempérament, sa personnalité. Lorsqu’on le rencontre, on découvre d’abord un personnage atypique (tant par son physique que par sa façon de s’exprimer), et qui à sa manière peut être volubile. Mais derrière cette apparence (pourtant « vraie ») se cache aussi une véritable introversion, une pudeur qui l’empêche de dire certaines choses au moyen d’une communication normale avec autrui. Guy Sembic est caractérisé par une hypersensibilité au monde, à la société, à l’homme en général ; un accumulateur d’émotions, de révolte, d’humanité exacerbée, de rancœur vis-à-vis de la méchanceté, de la bêtise et des injustices, qui doivent être expulsées d’une manière ou d’une autre, comme dans ce jeu de société où les enfants doivent gaver de hamburgers un jouet en forme de cochon jusqu’à ce que dernier explose et rejette brutalement tout ce qu’il a ingurgité. L’écriture de Guy Sembic est libératrice, violente, avec, parfois même, une dimension scatologique dans la provocation (il se qualifie lui-même de « Pirate »).

L’autre caractéristique de l’œuvre de Guy Sembic serait à coup sûr la tentation autobiographique. Le Clézio a souvent dit qu’il écrit en même temps qu’il vit et de la même manière, Guy Sembic écrit comme il respire, comme s’il ressentait le besoin de laisser trace des événements de sa vie, du fil de ses pensées, de « se » mettre par écrit en permanence, non pas par un narcissisme exacerbé mais comme un couple d’adolescents qui grattent les arbres au couteau pour y inscrire à jamais la preuve de leur amour, ou comme un homme préhistorique qui peint les parois de sa caverne : pour laisser des prolongements de lui-même qui donneraient un sens à sa vie.

Guy Sembic est d’abord l’auteur d’innombrables textes courts, comme un adolescent (encore) taguant les murs de sa ville pour dire merde à la société qui serait nanti en outre d’un vrai fond de culture doublé d’un talent poétique inné. Voilà pourquoi il est un écrivain du web (le blog, par exemple, est pour lui un support particulièrement approprié). Il faut lire ses textes comme autant de reflets impressionnistes de sa personnalité : si vous ne connaissez pas encore Guy Sembic, peu à peu, au fil de vos lectures, le personnage se constituera devant vos yeux, comme un puzzle plein de couleurs et de cohérence.

Guy Sembic est l’auteur d’un seul roman : « Au pays des Guignols gris », une somme de poésie, de philosophie, de géographie (l’homme est un connaisseur intime de celle qu’il appelle notre « Téterre », à travers les livres mais aussi par de véritables voyages sur le terrain, de la Guyane au pôle Nord), d’aspects autobiographiques doublés de science-fiction, et d’un essai philosophico-scatolo-poétique : « Grand Hôtel du Merdier », considéré par certains comme son chef-d’œuvre.

Le site des « Amis de Guy Sembic » est né simplement de la lecture passionnée de cette œuvre atypique, et espère maintenant participer à la découverte d’un auteur authentique et sans compromission.